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le monde diplomatique n°629 - août 2006

« Supposez que le capitalisme n’existe plus : à quoi ressemblerait la société idéale ? » Voilà en substance ce qu’a dit Michael Albert à ses invités, en juin dernier près de Boston. L’animateur du réseau alternatif Znet, auteur du livre Après le capitalisme, éléments d’économie participaliste (éditions Agone) a développé en effet une vision égalitaire, solidaire et autogérée et souhaitait échanger avec d’autres animateurs du réseau, dont le journaliste français Serge Halimi, auteur de l’article.

« L’économie participaliste abhorre l’organisation sociale qui assigne les tâches d’exécution aux uns et réserve les missions d’encadrement, de création, aux autres. Elle combat le modèle industriel né de la spécialisation fordiste ». Autrement dit, « les participalistes proposent que dans chaque métier, l’ensemble des tâches soit redéfini de façon à mêler missions d’exécution et de conception. » Dans la sphère privée, le partage équitable des tâches ménagères et de l’éducation des enfants est ainsi, d’une certaine manière, du participalisme. On peut aussi citer les entreprises coopératives.

Serge Halimi retranscrit les débats et les questionnements qui ont agité les participants au séminaire. Que se passe-t-il si quelqu’un (par exemple un cadre dirigeant) ne joue pas le jeu ? Ou si au contraire, un employé refuse de prendre une décision stratégique ? La question n’est pas innocente, elle s’est posée dans la maison d’édition fondée par Michael Albert (South End Press) et qui fonctionne selon quelques principes participalistes. Un associé a ainsi été exclu pour ne pas avoir voulu exercer des responsabilités qui dépassaient ses compétences...

Les exemples concrets évoqués ont eu aussi fait débat : systèmes locaux et assemblées de quartier en Argentine, mouvements constitués en réseau, organisations altermondialistes... Avec au bout du compte ce constat cruel : « trop peu d’effets sur un capitalisme toujours talentueux dans l’art de récupérer ce qui ne le menace pas de front. » Ce qui n’interdit pas, bien au contraire, de continuer à croire et à vouloir qu’il est possible de vivre autrement.