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La cartographie entre science, art et manipulation

Philippe Rekacewicz est cartographe [1]. Autant dire que son travail passe par les traits, les plans, les couleurs, les hachures et les pointillés. Dans ce numéro de février, il dispose pourtant d’une double page de texte [2], dans laquelle il révèle d’ailleurs un vrai talent d’écriture.

Contrairement à une idée reçue, la carte géographique n’est pas neutre, pas objective. Elle dépend de ce que son auteur y met ou n’y met pas, ce qu’il décide de mettre en valeur, de souligner, de représenter et de symboliser. Elle est source de nombreux conflits diplomatiques lors de sommets internationaux, où il arrive que des négociateurs en viennent aux mains pour des cartes jugées non conformes. Des Etats peuvent interdire de visa des médias ayant publié un atlas comportant des mentions discutables, comme c’est arrivé récemment au National Geographic avec l’Iran.

Philippe Rekacewicz raconte aussi qu’à la chute du mur de Berlin, alors que des milliers d’Allemands de l’Est passaient la frontière, des géographes (dont lui-même) faisaient le chemin inverse : les cartes topographiques est-allemandes étaient en effet réputées pour leur imprécision. Il évoque aussi Saint-Exupéry, les relevés de Vasco de Gama et les cartes du Vatican.

Enfin, il parle de la carte comme un mélange d’art et de science : « elle relève du premier comme œuvre composée de mouvements, de couleurs et de formes, de la seconde par ses données quantitatives et qualitatives. » Et définit le cartographe comme « successivement observateur, économiste, démographe, géomorphologue, enfin géographe et artiste ».

[1des centaines de cartes publiées dans le Monde diplomatique sont accessibles en ligne sur le site du mensuel

[2à l’occasion de la parution, le 20 février prochain, de l’Atlas du monde diplomatique