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Un référendum pour la coupe d’Europe

Des matches sans enjeu joués par des équipes B devant des sièges vides : chaque année c’est la même chose. Quand la nuit tombe par surprise et quand le froid se fait mordant, la ligue des champions prend des airs de ventre mou de Ligue 1 ou de premier tour de coupe de la Ligue. C’est seulement fin février, après les crêpes, que la compétition au ballon étoilé prend enfin des couleurs et ressemble enfin à quelque chose. Par exemple, à la coupe d’Europe.

Au rythme lancinant et soporifique des phases de poule, dont le principe évoque bien l’intelligence subtile des gallinacés, succèdent le suspens et l’intensité d’un bon vieil aller-retour des familles aussi revigorant (et parfois mortifiant) qu’une paire de baffes, pif paf. À partir des huitièmes, plus de règle à calcul (j’ajoute trois points et j’en retiens un, et à la différence de buts particulière je passe), plus de troisième place de repêchage pour l’UEFA. Chacune des cent quatre-vingt minutes (et plus si affinités) a son importance, et il est bien rare que la décision soit faite avant la mi-temps du match retour.

Les cadors à la trappe
Il est d’ailleurs frappant de constater que la suppression du second tour de poule et le rétablissement d’allers-retours dès les huitièmes a fortement bousculé la hiérarchie la saison dernière, au point de tacler définitivement le Bayern, la Juventus, le Real Madrid, Manchester, Arsenal et le Milan AC en dehors du dernier carré. L’effet surprise ne devrait plus jouer cette année, à moins d’un improbable Werder Brême-PSV en finale. Les quatre principaux championnats européens par le nombre de titres (espagnol, italien, anglais et allemand) sont surreprésentés avec douze clubs, laissant aux Français, aux Portugais et aux Hollandais les miettes du festin, sans parler des Monégasques.

L’absence d’équipes russes, turques, grecques, suédoises, belges, tchèques ou ukrainiennes est regrettable pour l’intérêt de la compétition et pour la diversité des styles de jeu. Sur le papier, on peut rêver d’une finale Milan-Barcelone, mais rien ne garantit que l’affiche tiendra ses promesses, si tant est que l’un des deux ne se carbonise pas en route.

Une autre Europe est possible
Pour retrouver cette diversité perdue et tout ce qui faisait la grandeur de la coupe d’Europe, la vraie, trois mesures pourraient être adoptées :
- suppression des poules, rétablissement des matches aller-retour dès le début, en 64e de finale.
- suppression des tours préliminaires de l’été. Les clubs champions de toutes les fédérations européennes sont qualifiés. La répartition des autres se fait au prorata de l’indice UEFA, par exemple trois clubs supplémentaires pour les cinq pays les mieux classés, deux supplémentaires pour les quinze suivants et un supplémentaire pour tous les autres. À chaque fédération de choisir si le deuxième qualifié est le vainqueur de la coupe nationale ou le vice-champion.
- suppression de la coupe de l’UEFA. Soyons clairs : qui s’intéresse à cette compétition, qui sert de recyclage aux éliminés de la ligue des champions ? La réforme de cette année, avec des poules préliminaires, lui a enlevé le peu d’intérêt qu’elle avait encore. Quel sens peut-on donner à une compétition qui accueille des champions nationaux, là où la Ligue des champions regroupe des équipes qui ont fini quatrième ?

Le calendrier aurait tout à gagner à être nettoyé de ces épreuves, à tous les sens du terme, que sont la coupe des Confédérations et la Coupe de la Ligue, dont les trophées rivalisent de laideur. Décrédibilisée, rejetée dans l’ombre de son encombrante voisine, calée dans le créneau du jeudi, la coupe de l’UEFA disparaîtra sans grand regret. Elle restera dans les mémoires comme la seule que les clubs français n’auront jamais gagnée, celle que Bastia en 78, Bordeaux en 96 et Marseille en 99 et 2004 ont vu de près sans pouvoir la toucher. À moins que Sochaux, Lille ou Auxerre ne la raflent au printemps...