Pendant des années, des dizaines d’années, on lit des livres. Des centaines, des milliers de livres, des petits, des gros, des passionnants, des pénibles, des livres achetés, offerts ou empruntés, des livres qu’on relit à intervalles réguliers et qui nous accompagnent tout au long de la vie et d’autres qu’on oublie dès la dernière page tournée.
Et puis, un jour, on passe de l’autre côté du miroir.
A son tour, on se prend à écrire quelques pages, puis une centaine, puis un manuscrit — on devrait dire d’ailleurs un tapuscrit, puisqu’il n’est pas écrit à la main, mais manuscrit est quand même plus joli — et un jour, ce manuscrit se transforme en livre, et ce livre se retrouve dans une librairie, au milieu de milliers d’autres.
Je n’ai rien contre le journal intime, c’est certainement quelque chose d’utile pour qui l’écrit, et parfois ça devient même une œuvre littéraire. Mais pour moi, écrire a toujours nécessité le fait d’être lu. Que ce soit un courrier, un article de journal ou un roman, ce qui compte c’est la relation avec le lecteur, c’est à lui que je pense quand j’écris, pas à moi. Ecrire, c’est partager.
Pour un auteur, rencontrer ses lecteurs est un moment unique, l’instant où il mesure jusqu’à quel point son histoire a atteint son objectif, un peu comme ces chauve-souris qui émettent un signal radio dont l’écho leur permet de se repérer dans l’espace.
C’est aussi le moment où le livre lui échappe pour vivre sa vie de façon autonome, qu’il soit lu par quelques dizaines de personnes ou des milliers. Les personnages sont désormais vivants, ils s’installent dans l’imaginaire de chaque lecteur qui en parle comme s’il les connaissait personnellement.
Vendredi soir, dans cette librairie tellement petite qu’elle a les dimensions de l’univers, et qui est pour ainsi dire une pièce supplémentaire de ma maison, nous serons là, à parler de Louise, Giovanni et Fred et d’un certain 12 juillet. Et face à ce miroir à multiples facettes nous serons tous du même côté.