Au rayon livres, il y a bien sûr les romans que l’on pourrait qualifier d’anticipation noire ou de dystopie, comme Le fléau de Stephen King (1978, nouvelle édition en 1990) dans lequel il est question d’une supergrippe qui dévasterait presque toute l’humanité, dans une époque contemporaine. Passionnant dans sa description du désastre et du comportement des survivants, le roman pèche un peu (voire beaucoup) par un discours biblico-moralisateur avec d’un côté les forces du bien regroupées derrière mère Abigail, et de l’autre les hordes sauvages du mal emmenées par Randal Flagg.
Quand il publie en 1987 Le voyage d’Anna Blume (dont le titre original, In the country of the last things, est bien meilleur), Paul Auster est encore méconnu en France. Son roman fait partie du genre épistolaire, mais c’est en fait tout le récit qui n’est qu’une seule longue lettre qu’Anna Blume envoie à un correspondant lointain, sans savoir si elle sera lue. « Je ne crois pas que cette lettre te parvienne. C’est comme appeler dans le vide, comme hurler dans un vaste et terrible vide. » L’histoire raconte un pays déchiré par la guerre qui ressemblerait à Léningrad assiégée par les Allemands ou à Sarajevo sous le feu des snipers.
Plus récemment, il y a La route, de Cormac McCarthy (2007), récit post-apocalyptique qui met en scène un père et son petit garçon, né après la catastrophe, errants sur les chemins d’une ruine à l’autre à la recherche d’un abri et d’un peu de nourriture. Glaçant. La description des paysages ravagés et stériles, d’un climat devenu hostile à tout jamais et d’une humanité qui ne mérite plus son nom est servie par un style extrêmement sobre, minimaliste et détaché.
Paru en français en 2010 mais datant de 1997, Chronique des jours à venir, du Canadien Ronald Wright, est plus léger et manie habilement l’humour (très) noir pour décrire Londres en 2500, après le réchauffement climatique qui a tranformé les rives de la Tamise en région tropicale. Le véhicule narratif n’est rien d’autre ici que cette bonne vieille machine à remonter le temps de HG Wells, réquisitionnée pour voyager dans le futur lointain.
Il y a aussi le roman choral, à plusieurs voix, avec un changement de narrateur à chaque chapitre. C’est le parti pris de Russell Banks dans De beaux lendemains (publié par Actes Sud en 1994), où quatre personnages racontent la même histoire chacun de leur point de vue : un bus scolaire qui sort de la route verglacée avant d’être englouti dans un lac gelé, entraînant la mort de plusieurs enfants d’un même village.
La Canadienne Nancy Huston est spécialiste de cet exercice de style, avec notamment Les variations Goldberg (Seuil, 1981) qui ne comptent pas moins de trente narrateurs différents, ou Trois fois septembre (Seuil, 1989), où les lettres retrouvées de Selena Twick vont être lues, en un week-end, par Solange et sa mère Renée.
D’autres livres, qui ne sont pas de fiction, m’ont aussi inspirés : 2100, récit du prochain siècle de Thierry Gaudin (1990, éditions Payot) essayait courageusement de dessiner de grandes tendances pour le 21e siècle, oubliant juste l’arrivée d’Internet qui était pourtant tout proche.
En 2007, dans Homo Disparitus, le journaliste Alan Weisman publiait une enquête scientifique extrapolant ce qui se passerait si l’espèce humaine disparaissait brusquement (Flammarion), un an après l’essai du géographe Jared Diamond, Effondrement, (nrf essais, 2006), racontant comment et pourquoi des sociétés sophistiquées avaient été rayées de la carte, des habitants de l’île de Pâques aux Vikings en passant par les Incas).
Beaucoup plus politique, La stratégie du choc de Naomi Klein (Actes Sud, 2008) décrit le processus par lequel ce qu’elle appelle le capitalisme du désastre tire parti, quand il n’en est pas à l’initiative, des catastrophes économiques ou climatiques pour abattre les avancées sociales.
Les influences cinématographiques sont moins nombreuses. Elles viennent essentiellement de l’univers de Terry Gilliam, imbattable dans l’art de mettre en images un futur déglingué qui tient plus de la décharge sauvage que des intérieurs aseptisés. Dans Brazil (1985), il adapte librement le roman-culte de George Orwell, 1984, et s’offre des embardées sublimes dans le monde des rêves, seul échappatoire à l’enfer policier quotidien. C’est aussi et surtout une très profonde réflexion sur le terrorisme d’Etat, la résistance et la société de consommation.