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Ainsi parlait Jean Jaurès

Même si dans la dernière campagne électorale, son nom a été prononcé abusivement, Jean Jaurès reste sans nul doute l’homme de gauche le plus remarquable du siècle précédent. Ce qu’il disait à des lycéens d’Albi il y a cent quatre ans peut nous aider à retrouver du courage et à ne pas baisser les bras devant les années noires qui s’annoncent.

« Oui, les hommes qui ont confiance en l’homme savent cela. Ils sont résignés d’avance à ne voir qu’une réalisation incomplète de leur vaste idéal, qui lui-même sera dépassé : ou plutôt ils se félicitent que toutes les possibilités humaines ne se manifestent point dans les limites étroites de leur vie. Ils sont pleins d’une sympathie déférente et douloureuse pour ceux qui, ayant été brutalisés par l’expérience immédiate ont conçu des pensées amères, pour ceux dont la vie a coïncidé avec des époques de servitude, d’abaissement et de réaction, et qui, sous le noir nuage immobile, ont pu croire que le jour ne se lèverait plus. Mais eux-mêmes se gardent bien d’inscrire définitivement au passif de l’humanité qui dure les mécomptes des générations qui passent. Et ils affirment, avec une certitude qui ne fléchit pas, qu’il vaut la peine de penser et d’agir, que l’effort humain vers la clarté et le droit n’est jamais perdu. L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir. »

Jean Jaurès, Discours à la jeunesse
Albi, 30 juillet 1903