Des jeeps et des médailles

, par Bruno

extrait du dossier 21 août 1944 : libres, enfin

Du square Veline au monument aux morts de l’Hôtel de ville en passant par l’exposition à la Maison du Peuple, Gardanne a honoré la mémoire de ses libérateurs les 20 et 21 août 1944. Mais c’est la traversée de la ville par une vingtaine de véhicules de l’armée américaine qui a créé la plus forte émotion.

"Cinquante ans, c’est beaucoup pour la vie d’un homme mais c’est peu au regard de l’histoire. Peu à peu, les témoins et les acteurs de ce temps nous quittent ; il convient donc de garder notre mémoire commune vivante sur ces événements...” Autour du maire qui vient de prononcer ces quelques mots devant le monument aux morts, ils sont encore nombreux, les témoins et les acteurs, même si la plupart sont aujourd’hui septuagénaires ou octogénaires.
Les uns sont en civil, les autres en grande tenue, comme les membres du commando Courson, dont le souvenir a été rappelé quelques minutes plus tôt au square Veline. A cette occasion, deux membres du comando, Philippe Amore et Charles Vaccalluzzo, ont été décorés, respectivement médaillé militaire et chevalier de l’ordre national du mérite. Joseph Lairet et Lucien Borgnat ont reçu la croix de combattant volontaire tandis que Jean Amoretti et Emile Mouren étaient décorés de la croix de combattant. Devant la mairie, c’est au tour de Maurice Botella de recevoir le titre de “reconnaissance de la nation” pour son engagement en Afrique du nord. Il est alors temps de se retrouver à la Maison du Peuple où une exposition sur la libération de la ville et sur la déportation a attiré de nombreux gardannais depuis une semaine.

Jim Bain envoie des chewing-gums et des sourires
Le lendemain, alors que le marché du dimanche commence à se remplir, une exclamation : “les voilà ! Ils arrivent !” L’horloge de la mairie indique 9h17 et de l’avenue de Nice apparait une jeep suivie d’un char Sherman porté par un camion. Dans l’assistance, les enfants découvrent, sidérés, ces drôles d’engins que l’on voit parfois dans les films. Leurs parents, nés après la guerre, tentent désespérément de stocker du souvenir à grand renfort de caméscope et d’appareil photo. Les plus anciens, eux, n’ont pas besoin de matériel pour se laisser envahir par l’émotion qui les projettent d’un seul coup cinquante ans en arrière.
Les premiers applaudissements fusent et redoublent quand arrivent, en file indienne, une vingtaine de véhicules de l’armée américaine, jeeps, Dodge, motos, GMC, camions bâchés... A leur bord, des figurants en tenue d’époque, membres de l’Escadron de l’Histoire Sud, une association de collectionneurs provençaux.
Parmi eux, Gilbert Bagnis, méconnaissable en GI, et un vétéran américain, hilare, grimaçant comme Jerry Lewis, et qui distribue sourires et chewing-gums : c’est Jim Bain, parachutiste, débarqué à Saint-Tropez et marié à une Française, qui partage son existence entre l’Arizona et la Côte d’Azur et qui adore la France. Un quart d’heure plus tard, le dernier véhicule disparaît sur le boulevard Carnot. Les cloches sonnent à la volée. L’émotion, elle, est restée.

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