"Cinquante ans, c’est beaucoup pour la vie d’un homme
mais c’est peu au regard de l’histoire. Peu à peu,
les témoins et les acteurs de ce temps nous quittent ;
il convient donc de garder notre mémoire commune vivante
sur ces événements...” Autour du maire qui vient de prononcer
ces quelques mots devant le monument aux morts,
ils sont encore nombreux, les témoins et les acteurs, même
si la plupart sont aujourd’hui septuagénaires ou octogénaires.
Les uns sont en civil, les autres en grande tenue, comme les
membres du commando Courson, dont le souvenir a été rappelé
quelques minutes plus tôt au square Veline. A cette occasion,
deux membres du comando, Philippe Amore et Charles
Vaccalluzzo, ont été décorés, respectivement médaillé militaire
et chevalier de l’ordre national du mérite. Joseph Lairet
et Lucien Borgnat ont reçu la croix de combattant
volontaire tandis que Jean Amoretti et Emile Mouren étaient
décorés de la croix de combattant. Devant la mairie, c’est
au tour de Maurice Botella de recevoir le titre de “reconnaissance
de la nation” pour son engagement en Afrique
du nord. Il est alors temps de se retrouver à la Maison du
Peuple où une exposition sur la libération de la ville et sur
la déportation a attiré de nombreux gardannais depuis une
semaine.
Jim Bain envoie des chewing-gums
et des sourires
Le lendemain, alors que le marché du dimanche commence
à se remplir, une exclamation : “les voilà ! Ils arrivent !”
L’horloge de la mairie indique 9h17 et de l’avenue de Nice
apparait une jeep suivie d’un char Sherman porté par un
camion. Dans l’assistance, les enfants découvrent, sidérés,
ces drôles d’engins que l’on voit parfois dans les films. Leurs
parents, nés après la guerre, tentent désespérément de stocker
du souvenir à grand renfort de caméscope et d’appareil
photo. Les plus anciens, eux, n’ont pas besoin de matériel
pour se laisser envahir par l’émotion qui les projettent d’un
seul coup cinquante ans en arrière.
Les premiers applaudissements
fusent et redoublent quand arrivent, en file indienne,
une vingtaine de véhicules de l’armée américaine, jeeps,
Dodge, motos, GMC, camions bâchés... A leur bord, des
figurants en tenue d’époque, membres de l’Escadron de
l’Histoire Sud, une association de collectionneurs provençaux.
Parmi eux, Gilbert Bagnis, méconnaissable en GI, et
un vétéran américain, hilare, grimaçant comme Jerry Lewis,
et qui distribue sourires et chewing-gums : c’est Jim Bain,
parachutiste, débarqué à Saint-Tropez et marié à une Française,
qui partage son existence entre l’Arizona et la Côte
d’Azur et qui adore la France. Un quart d’heure plus tard,
le dernier véhicule disparaît sur le boulevard Carnot. Les
cloches sonnent à la volée. L’émotion, elle, est restée.