Après la pub, Arrêt sur Images refuse les subventions d’Etat

20 millions d’euros, c’est le montant de l’aide annuelle de l’Etat à la presse en ligne. Après concertation en interne et auprès de ses abonnés, Daniel Schneidermann a décidé de refuser cette aide, comme il avait refusé la publicité il y a deux ans. Voici pourquoi.

Décidément, il se passe plein de choses à Arrêt sur Images. D’abord la création du site, à l’automne 2007, suite à l’éviction de Daniel Schneidermann et de son émission, jetés comme des malpropres de France 5. Début 2008, les premières émissions sont mises en ligne et le site est accessible sur abonnement, après que Daniel Schneidermann ait décidé de se passer de la publicité. Une excellente idée, tout d’abord parce que la pub nous emmerde, mais aussi parce que la crise économique de 2008 a durement frappé le petit monde de la réclame, et donc les supports de presse qui en vivent... Notamment les sites internet dont l’accès est gratuit, et donc payé par la publicité.

Décision courageuse et de bon sens qui permet à Arrêt sur Images, le site, de se développer en ajoutant à son émission-phare deux autres, La ligne jaune (animée par Guy Birenbaum), et Dans le texte (pilotée par Judith Bernard). Résultat : 200 000 euros de bénéfices en 2008, avec 27 000 abonnés. Qui dit mieux ?

Il y a quelques semaines, les sites d’informations en ligne ont eu le droit de demander à bénéficier d’une l’aide de l’Etat. Certains n’ont même pas du se poser la question et se sont jetés sur le pactole. A Arrêt sur Images, non. L’équipe s’est d’abord interrogée, puis a consulté les abonnés. Et à l’issue de ces discussions, Daniel Scheidermann a tranché : pas de publicité, pas d’aide d’Etat. Et il s’en explique longuement ici.

En substance, voici ses arguments : « D’abord, nous ne voyons pas très bien pourquoi le contribuable nous aiderait. » Ensuite, « nous ne sommes clairement pas dans le cadre juridique du service public. En ce qui concerne plus particulièrement @si, le service public n’a plus voulu de nous. » Et enfin, « évidemment, je n’oublie pas la première raison avancée par les quelques uns d’entre vous qui nous poussaient à refuser : la crainte pour notre liberté de ton. » Sans oublier la raison la plus profonde : « mon instinct, personnel, me dicte de ne pas solliciter cet argent-là. » Pourquoi ? parce que « notre équilibre économique est encore fragile. Eh bien, nous prenons le risque. Et puis, cette précarité elle-même est féconde. [...] Nous sommes un projet fragile, un rêve, une utopie. »

Bel argumentaire, précis, détaillé, vivant. C’est une décision importante, mais qui me conforte dans mon choix d’abonné. L’indépendance a un prix, mais si la contrepartie est une telle richesse entre le média et ceux qui le font vivre, elle en vaut la peine. Largement.