« Facebook, ça fait tellement partie de la vie des gens... Ça alimente toutes les conversations ! » Ah. Comme disait Mafalda, l’inconvénient de ne pas avoir d’oreilles rétractables, c’est qu’on s’expose à entendre des choses pareilles. Au bout de trois mois passés à feuilleter en pointillés le livre des figures, passé le premier mouvement de curiosité, la perplexité devant tous les paramètres à régler, la page d’accueil, le mur, la messagerie, les amis, les invitations, les messages publicitaires, les jeux et les pokes (ben oui, les pokes. La quintessence du truc totalement vain), au bout du compte, ce qui reste est proche du néant.
Sur Facebook, il y a les amis. Ceux que l’on connaît, et les autres. On se met donc à la recherche de connaissances, actuelles ou perdues de vue. Il y en a, deux, trois, quatre... On leur envoie un message pour leur demander s’ils veulent bien devenir notre ami. Alors qu’ils le sont déjà, mais c’est comme ça que ça fonctionne. Soit. Ensuite, il y a les amis de nos amis. On appelle ça un réseau social, selon le bon vieux principe qu’au bout d’une chaîne de six amis, tout le monde connaît personnellement le Président de la République (et au bout de sept, potentiellement n’importe qui sur la Terre). Mais qui a envie de connaître le Président de la République, ou l’ami de l’ami de l’ami de l’ami de son ami ?
Une fois nos amis retrouvés et contactés, il ne reste plus qu’à attendre les messages, ou à en envoyer. Un peu comme avec le courrier électronique, en fait. Vous avez quelque chose à dire à quelqu’un, vous lui écrivez, et éventuellement il vous répond. Simple. Sauf que là, si un de vos amis écrit quelque chose, pas forcément à vous, à tout le monde en général et à personne en particulier, tous ses amis (donc pas forcément les vôtres) peuvent réagir. Soit par un petit commentaire, soit avec un pouce levé suivi de la mention « j’aime ça ». Cool ! Vous imaginez dire à quelqu’un quelque chose, drôle, futile ou pertinent, et que ce quelqu’un vous regarde en levant le pouce et en disant « j’aime ça » ? Ben voilà, bienvenu sur Facebook.
C’est ce qui fait la grandeur (?) et la misère de cet entre-deux bizarre, à la frontière entre le général et le particulier, l’intime et l’universel, le public et le privé. Impossible d’y mettre des choses aussi personnelles que dans un courrier (papier ou mail), voire dans une conversation téléphonique, puisque ce qui est dit sera exposé à un cercle plus ou moins grand de lecteurs (avec toutes les dérives que cela implique). Et si c’est pour parler de choses qui peuvent intéresser a priori n’importe qui, ça ne va pas non plus, puisque seul un petit nombre d’amis pourront les lire. Autant publier un article sur un blog ou sur un site, comme celui-ci.
Alors, au début, on va sur Facebook une fois par jour, deux fois, puis on l’oublie pendant quelques temps, on y retourne, on y cherche vaguement quelque chose qui accroche l’œil, hormis bien entendu des publicités comme celle ci-contre. On s’aperçoit que les quelques amis qu’on a retrouvés, ceux qui existaient avant Facebook (et qui existeront encore après), font comme nous et n’écrivent presque rien. Qu’à côté de ça, les vrais moments d’échange et de partage se font ailleurs, par les rencontres, les coups de fil, les mails, voire même des forums de discussion.
Jusqu’au jour où quelqu’un nous dit : « Facebook, ça fait tellement partie de la vie des gens... Ça alimente toutes les conversations ! » Interloqué, on tente alors de protester : non, non, ce n’est pas vrai, ne généralisons pas, je connais plein de gens qui se moquent complètement de Facebook, et ce sont des gens bien, et jamais je n’ai parlé de ça avec eux... Et puis on se dit qu’après tout, à quoi bon continuer ? N’est-il pas plus juste de sortir du livre des figures et de retourner à la vraie vie ? Il y a tant de choses importantes et enrichissantes à faire, et si peu de temps pour ça !