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Clarika au Gaou, sous la pinède

Invitée au festival des Voix du Gaou avec Ysaé, Tom Frager et Renan Luce, Clarika a surclassé tout ce petit monde dans la pinède, malgré les cigales.

Un festival sur une île : en créant en 1997 les Voix du Gaou, la ville de Six-Fours (Var) n’a certes pas inventé l’eau chaude, mais elle a su donner, au fil du temps, un cachet unique à ce qui est devenu le principal festival méditerranéen en France. En 2010, les deux scènes de l’île du Gaou accueillent ainsi Simple Minds, Pete Doherty, Bob Sinclar, -M- ou encore Christophe Maé et Roger Hodgson. Le dimanche 18 juillet, pour la deuxième soirée de cette édition, Renan Luce, Tom Frager et Clarika se partageaient la petite scène située sous la pinède, devant un bon millier de spectateurs.

L’île du Gaou, avec au milieu la pinède (petite scène) et au fond la clairière (grande scène).

Mais tout d’abord, il faut raconter l’accès à l’île. Orientés vers un parking par une armada de policiers municipaux (un service visiblement richement doté à Six-Fours), les festivaliers finissent à pied le long de la lagune du Brusc et des villas à sept chiffres. Avant d’emprunter la passerelle qui conduit à l’île, il faut se débarrasser des bouteilles d’eau de plus d’un demi-litre et enlever les bouchons des autres. Le souci de sécurité rejoint celui, plus mercantile, d’assurer de bonnes rentrées à la buvette installée face à la scène.

D’entrée, alors que le soleil est encore haut et que la fraîcheur du soir se fait attendre, l’ambiance musicale est assurée par les cigales, ces sortes de vuvuzelas locales et heureusement éphémères. En première partie, Ysaé offre un slam assez proche de celui de Grand Corps Malade, accompagné par Mister Lips, champion du monde de human beat box, autrement dit capable d’accompagner à la batterie uniquement avec la bouche.

Le plein air et la lumière du jour ne rend pas justice à Clarika, dont le travail sur le décor et les éclairages sont tout à fait remarquables. Peu importe : même devant un public en train de s’installer et loin d’être gagné d’avance (beaucoup sont là pour Tom Frager et Renan Luce), la petite pile brune se jette à corps perdu et sans filet dans son show, alternant comme d’habitude grands moments de délire (Les garçons dans les vestiaires, Ne me demande pas), parenthèses intimistes (Les patineurs, Ça s’peut pas) et instants lourds de colère rentrée sur un Bien mérité vibrant et incandescent.

Sa capacité à changer de registre au quart de tour est phénoménale, et lui vaut largement le titre (tout à fait personnel, mais je suis ici chez moi) de meilleure chanteuse française contemporaine, en digne cousine pas si éloignée de Björk. D’ailleurs, elle l’affirme haut et fort : « je suis une icône, c’est l’album de la maturitude, je vais essayer des trucs, c’est l’icône attitude ». En une petite heure, elle trouve le moyen de mettre le public dans sa poche, bien aidé par un quator de musiciens à la hauteur [1], autant dans l’accompagnement (très travaillé) que dans les chorégraphies.

On passe rapidement sur l’insignifiant Tom Frager, dont le reggae (en français et en anglais) est remarquablement dépourvu de toute créativité, à l’image d’un jeu de scène inexistant. Quand Renan Luce monte sur scène, la nuit est complètement tombée, la température aussi, les cigales sont allées se coucher et finalement, elles ne manquent pas grand chose : ce que le Renan fait encore de mieux, c’est dans le minimalisme acoustique du Repenti, armé de sa seule guitare. En formation complète, sa voix est quasi-constamment couverte par un accompagnement bien peu subtil dont l’objectif premier semble être la chasse aux décibels.

Conclusion : Heureusement qu’il y avait Clarika, et le cadre superbe de la côte méditerranéenne de nuit, sous les étoiles.

Voici un aperçu de ce que fait Clarika en salle (Bien mérité, à la Cigale) :

Pour plus d’infos, voir le site de Gaëtan Lebrun (très complet et à jour) et le MySpace de Clarika.

[1Philippe Desbois, Cedric Ricard, Hubert Harel et Yann Lambotte