Des OFNI, objets filmiques non identifiés (selon les termes du réalisateur suisse Olivier Zuchuat), il y en a eu beaucoup au cours du festival. Et Djourou, une corde à ton cou en est assurément un. En tout cas, c’est un réquisitoire sans appel contre ce qu’il faut bien appeler par son nom, à savoir un crime économique organisé : la dette du Mali. Très stylisé dans sa partie tournée en France ou en Suisse (images floues, saccadées, impressionnistes), le film de Zuchuat se fait plus pédagogue au Mali, mais avec une nécessaire distance apportée par une voix off mi- Candide, mi-ironique. « Je suis né dans un pays qui accueille plus facilement l’argent des étrangers que les étrangers eux-mêmes, » raconte-t-il, avant d’aborder cette dette qui se nourrit d’elle- même, cette “dette au carré”.
Le Festival a aussi rendu hommage à Paul Vecchiali, 74 ans et éternel franc-tireur du cinéma français. Paul Vecchiali fait partie de ces cinéastes que tout le monde connaît mais dont bien peu ont vu les films. Rosa la rose, fille publique, Corps et à coeur, Encore, ou le tout dernier, A vot’bon coeur, ont été ainsi projetés au festival, ce dernier entraînant le public dans un débat-marathon qui s’est achevé à une heure du matin. « Mes films sont extrêmes, pas moi. Je veux que le spectateur sorte de lui-même, qu’il aime ou qu’il déteste, mais surtout qu’il ne reste pas indifférent. L’artiste est celui qui rend sensible aux autres ce qui n’est sensible qu’à lui-même. Le cinéma est une industrie avant d’être un commerce ou un art. Et dans l’industrie, il y a des chercheurs. J’en suis un. »
Nuit italienne et buffet indien
La soirée indienne du festival d’automne
fait toujours recette, c’est le cas
de le dire : une fois de plus, la salle 1 était pleine pour quatre heures de grand
spectacle, avec au milieu une demiheure
de buffet indien préparé et offert
par l’épicerie aixoise Pondichéry.
Installé à la droite de la scène, une grande
table propose beignets au boeuf et
aux légumes, gâteaux sucrés et thé au
lait à l’assistance qui a quitté ses fauteuils
et qui passe devant l’écran, sous
les lumières bleues. Exactement comme
dans le film, Swades, où une projection
en plein air est interrompue par
une panne d’électricité et se transforme
en fête de quartier. Car contrairement
à la caricature du film dit bolliwoodien,
Swades délivre un message social
plutôt audacieux, accusant le système
de castes et la dévalorisation des femmes
de maintenir l’Inde dans le sous-développement.
Le film d’Ashutosh
Gowariker ne manque bien sûr pas de
passages chantés et de morceaux de
bravoure, notamment l’installation
d’une turbine sur un ruisseau de montagne
pour fournir une alimentation
électrique autonome au village.
Le choix de la jeunesse
Le jury jeunes a encore une fois animé
la soirée de clôture. On sent l’influence
de l’atelier théâtre du service
jeunesse (dont sont issus certains jurés)
: pour la proclamation des délibérations,
les neufs jurés sont assis en
cercle au pied de l’écran blanc, lumières
éteintes. « Le cinéma fut pour
nous une belle lumière dans le noir, »
conclurent-ils après avoir choisi Gémeaux,
le film argentin d’Albertina
Carri.
« Il est vite arrivé en tête au moment
du choix, explique Loris, même si ça
a été serré. » Âgés de 17 à 24 ans, les
membres du jury ne se connaissaient
pas pour la plupart avant le festival.
« Combien de films on a vu ? Je ne sais
pas, trente ou trente-cinq, je dirais, »
se souvient Matthieu. Pour Ludmile,
« le festival, ça nous apporte beaucoup,
c’est un enrichissement personnel. »
Et maintenant ? « Il ne reste plus qu’à
devenir jury jeunes au festival de Cannes
! » plaisante Romain. Encore faudrait-
il qu’un tel jury existe sur la
Croisette...
Le prix du public est allé au documentaire de la photographe américaine Zana Briski, Camera Kids, qui raconte son expérience avec une bande d’enfants de Calcutta à qui elle a appris la prise de vues. Côté courts-métrages, le public a choisi L’entretien, de Samuel Jacquemin, et Le baiser, de Stefan Le Lay. Le jury a pour sa part accordé un prix à El sonador, d’Oskar Santos, et une mention spéciale à Lunolin, le petit naturaliste de Cecilia Marreiros Murum. Enfin, les enfants ont aimé Kié la petite peste d’Isao Takahata et Le secret de Moby Dick de Jannick Hastrup.