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Panique à Marseille Palace

C’est la meilleure émission de France Inter. Pour la première en public de Panique au Mangin Palace, à Marseille le 18 octobre, Envrak était là. Et la veille, nous avons rencontré Philippe Collin et Xavier Mauduit qui nous ont confiés les petits secrets de l’émission.

A l’angle du Vieux-Port et de la Rue de la République ce dimanche 18 octobre, la brasserie chicos la Samaritaine accueille en terrasse le beau barnum burlesque de Panique au Mangin Palace, qui pour sa 175e édition (depuis septembre 2005), s’offre une séance en public à l’occasion de la Fiesta des Suds à Marseille. Une première qui en appelle d’autres, la prochaine étant prévue le 9 novembre à Berlin.

Philippe Collin

La veille de cette émission, nous avons rencontré Philippe Collin et son compère Xavier Mauduit dans les locaux de Radio France à Marseille. En pleine préparation du lendemain, ils nous ont révélé quelques secrets de fabrication d’une des plus ébouriffantes émissions du PRF (paysage radiophonique français). Le stress qui les tenaillait (Collin surtout, Mauduit étant plus relax) s’est dissipé dans le grand soleil du dimanche midi, au terme d’une émission menée à fond la caisse devant un public marseillais amateur d’impertinences et de coups de griffe. Pendant cinquante-quatre minutes se sont déroulées les volutes sonores d’un ovni radiophonique calibré au millimètre et dopé aux sons de, pêle-mêle, De Gaulle et IAM, Nina Hagen et Fernandel, Mars Attack et Plus belle la vie, Sin City et Barry Lyndon.

« Bienvenue à toi, dans ce monde archi loufoque et total foutraque, où l’élégance se mélange au n’importe nawak... »

Pourquoi tenter une émission en public ?
Philippe Collin : Au bout de quatre ans, il fallait un peu sortir, se mettre en danger. Et beaucoup d’auditeurs demandent à nous voir, alors que lorsqu’on est en studio ce n’est pas possible. On verra ce que ça donne, si le son est bon. Dans ce cas, on pourrait en faire une par mois en public tout au long de l’année.

Le plateau sur la terrasse de la Samaritaine

Panique au Mangin Palace fait une large place à l’actualité. Comment l’intégrez-vous dans le sommaire de l’émission ?
Philippe Collin : On se réunit le mardi matin, on choisit un sujet et on récupère des sons à la radio, à la télé ou sur le net. Depuis le temps que l’émission existe, on arrive à avoir des automatismes, par exemple mettre en parallèle des répliques de Sarkozy et De Funès, mais on tient à ce que presque tous les sons soient nouveaux. Le réservoir est quasi inépuisable : rien que dans un film de une heure et demie, imaginez le nombre d’extraits qu’on peut utiliser.
Xavier Mauduit : D’ailleurs, maintenant, on ne peut plus regarder un film ou écouter une chanson sans chercher la bonne réplique, le bon son qui pourra nous servir. Avec les archives de l’INA, on essaie d’aller plus loin que la simple actualité, mais sans vouloir comparer les époques. On met plutôt en valeur des choses trop souvent inexploitées.

Combien de temps faut-il pour faire une émission d’une heure ?
Philippe Collin : Toute la semaine. Et encore, au début, on travaillait sept jours sur sept, maintenant on est mieux organisés et on arrive à dégager un jour libre. Pour monter un son, il faut compter une demi-heure. On en a quarante par émission en moyenne, qu’on sélectionne parmi 120. Et la difficulté, c’est que l’émission a lieu en direct. Si le flash d’infos de onze heures est un peu en retard, il faut le rattraper.
Xavier Mauduit : On a des astuces : par exemple, sur les chansons qu’on intègre, il y a plusieurs sorties possibles. Et ma revue de presse à la fin de l’émission est modulable, je peux accélérer ou ralentir au besoin. Avant de faire de la radio, j’étais prof, donc je savais comment finir un cours pile à l’heure.

Le réalisateur Henri-Marc Mutel

Le ton de l’émission fait penser à celui de Gérard Lefort, le style d’écriture à Pierre Desproges...
Philippe Collin : Gérard Lefort, je le revendique, j’ai commencé avec lui à France Inter dans son émission A toute allure, il avait autour de lui une équipe très soudée, comme nous. Pierre Desproges, je ne sais pas, c’est très flatteur. C’est une référence pour moi.
Xavier Mauduit : L’émission est très écrite, c’est vrai. Pour la revue de presse qui dure quatre minutes trente, je passe environ six heures.

Les virgules sonores sont très importantes dans l’émission, d’où viennent-elles ?
Philippe Collin : Elles n’y étaient pas au début, elles sont apparues au fur et à mesure. Ça crée des charpentes sonores pour l’auditeur, c’est inconscient. Ça permet de tourner les pages de l’émission comme on tourne les pages des livres-disques pour enfants quand on entend la petite clochette.

Flora Bernard

L’émission commence par l’indicatif de Radio Londres, que la BBC diffusait pendant la deuxième guerre mondiale. Elle finit par “surtout, ne lâchez rien”. Panique au Mangin Palace serait-elle une émission de résistance ?
Philippe Collin : On essaie d’avoir un ton différent. En tout cas, cette émission n’est possible qu’à France Inter, qui est le seul mass média à offrir une telle liberté de ton. Des chaînes de télé et d’autres radios ont essayé de nous débaucher, en nous proposant le triple de notre salaire, mais ce serait pour faire quoi ? A Inter, le dimanche matin, on a un million trois cent mille auditeurs et on est libre. Mais attention, la société a changé. Ce que disait Desproges il y a vingt-cinq ans, ça ne passe pas bien aujourd’hui, des auditeurs ne le comprennent pas, même des jeunes.

L’émission du samedi, Panique au ministère psychique, a été remplacée au bout d’un an par la Cellule de dégrisement. Pourquoi ?
Philippe Collin : On ne nous a rien demandé, c’est nous qui voulions un autre projet. Avec le Ministère psychique, au bout de 42 invités, on risquait de tourner en rond. On avait commencé avec des invités vivants, mais ce n’était pas facile pour eux de trouver leur place. Ensuite, on a choisit des personnages historiques, mais là ce sont les références sonores qui sont difficiles à renouveler. Et comme on ne traitait pas beaucoup la culture, on a décidé de faire une émission culturelle à notre manière, la Cellule de dégrisement.