ENERGIES. Quels rapports entretiennent
l’histoire et l’économie ?
PHILIPPE MIOCHE. L’histoire économique
n’est pas un phénomène
récent. On l’enseigne depuis la fin
du 19ème siècle. En revanche, l’étude
de l’histoire des entreprises n’existe
que depuis une dizaine d’années.
Ces dernières acceptent maintenant
d’ouvrir leurs archives, et les historiens
professionnels commencent à
s’y intéresser. A raison : pour eux,
c’est un sujet très vivant, car c’est
l’évolution des techniques
et des modes de production,
mais c’est aussi une communauté
d’hommes. Mais
la seule condition pour que
j’accepte un tel travail, c’est
qu’il n’y ait pas de limite à
mes recherches, que l’entreprise
joue le jeu.
Comment vous-y prenez
vous pour recueillir les éléments
dont vous avez
besoin ?
Nous travaillons sur
deux axes : les archives
écrites que la direction de
Pechiney Gardanne a mis à
notre disposition, et les
témoignages oraux qui nous
apportent des éléments
introuvables ailleurs, et qui
sont bien entendu plus
vivants que des statistiques.
Comme l’usine est bien
insérée dans la ville et dans
son tissu social, une part
importante de son personnel,
actif ou retraité, y habite
encore...
Que cherchez-vous à démontrer
à travers cette étude ?
Il faut savoir que dans le cadre
de l’économie industrielle régionale,
l’usine d’alumine de Gardanne
tourne le dos au modèle économique
dominant, pourtant géographiquement
voisin. A la fin du siècle dernier,
Marseille est un port colonial,
où arrivent des matières premières
venues des colonies, transformées et
réexportées. Que fait l’usine d’alumine
? Elle utilise trois produits
locaux, la bauxite du Var, le sodium
de Camargue et la lignite de Gardanne,
qu’elle transforme sur place
en alumine et qu’elle revend à un seul
client, la Société de Froges. Ça ne l’a
pas empêchée de traverser la seconde
industrialisation (depuis 1896 jusqu’à
nos jours) sans encombre, grâce
à un système technique relativement
stable (le procédé Bayer). Il va nous
falloir rechercher les transformations
structurelles (le passage du tout-alumine
métallurgique aux alumines
techniques), l’évolution de
l’organisation du travail...
Pensez-vous, à la lumière
des événements passés,
pouvoir tirer des enseignements
sur l’avenir de l’entreprise
?
Attention. Je fais un
métier d’historien, mon rôle
n’est pas de prédire l’avenir.
La question que je me pose
et à laquelle j’essaie de
répondre, c’est “comment
en est-on arrivé là ?” C’est
tout. Je souhaite simplement
que mes travaux soient utilisables
par d’autres.
Est-ce qu’un travail de ce
type est envisageable pour
la première entreprise gardannaise,
les Houillères ?
Je le souhaite, bien sûr.
C’est un rêve, sinon un projet.
Vous pensez si ça serait
passionnant !