A la naissance de son quatrième fils, Jibril, Emad se voit offrir une caméra. Avec elle, il va filmer son enfant, sa famille, son village de Bil’in, mais aussi cette clôture que l’armée israélienne dresse au milieu des champs d’oliviers pour protéger les constructions (illégales) de colons. Quelques centaines de villageois palestiniens d’un côté, cent cinquante mille colons israéliens de l’autre, le combat est tellement inégal qu’il vaut à peine d’être raconté. Et pourtant.
<media1659|embed|right|class=shadow>Dans un Etat de droit, les citoyens peuvent s’appuyer sur la loi, et sur la justice, s’ils sont victimes d’un acte illégal. Ça, c’est pour la théorie. Dans la pratique, et notamment en Cisjordanie, les colons font à peu près ce qu’ils veulent, et si les Palestiniens spoliés ne sont pas contents, on leur envoie l’armée. Laquelle balance d’abord une pluie de lacrymos (sur des manifestants toujours désarmés, venus en famille) et si ce n’est pas suffisant, tire à balles réelles au fusil d’assaut.
Au début, constatant que les colons installent des mobil-homes dans des zones inconstructibles et se les approprient ainsi, les habitants de Bil’in vont faire de même : de nuit, ils déposent un mobil-home de l’autre côté de la clôture. Elles sont immédiatement enlevées par l’armée. Alors, ils passent à l’étape suivante : comme les militaires n’ont pas le droit de détruire des constructions en dur, les Palestiniens montent des murs en parpaings. Les bulldozers les rasent aussitôt.
Et pendant ce temps, Emad filme. Sa première caméra est cassée lors d’un affrontement. Il s’en procure une autre. Puis une autre. Et encore une autre. Celle-là, la quatrième, va se prendre une balle qui aurait dû le tuer. Parce que désormais, les affrontements se font de plus en plus violents. L’armée entre dans le village, arrête des enfants au milieu de la nuit. Le lendemain, les enfants manifestent.
Et puis il y a un mort. Emad est près de lui quand Phil s’écroule, touché au thorax. Les enfants adoraient Phil, un gars toujours de bonne humeur même dans les pires moments. Le petit Jibril ne comprend pas pourquoi il est mort, et demande à son père s’il va tuer des soldats. Et si oui, si d’autres soldats viendront après.
Ainsi va la vie, désespérante, en Cisjordanie, où des oliviers centenaires sont déracinés au buldozzer ou brûlés par les colons. Les seuls motifs d’espoir ce de film exemplaire de courage et de dignité, c’est l’obstination des villageois. De même qu’Emad remplace chaque caméra brisée par une autre et continue son travail de témoignage, ils reviennent inlassablement au contact de ces grilles qui les dépossèdent de leurs terres.
Et ils finissent par avoir gain de cause : une décision de justice israélienne leur donne raison et ordonne la destruction de la clôture. Mais la colonie est toujours là, et un mur se dresse désormais un peu plus loin. L’autre motif d’espoir, c’est que le coréalisateur, Guy Davidi, est israélien [1]. Activiste, certes, militant bien sûr, mais d’autres comme lui soutiennent la lutte des villageois de Bil’in et d’ailleurs. Ils ne sont certes pas majoritaires, mais ce sont eux qui, demain, feront vivre la paix avec les Palestiniens.