Brendan Gleeson et Dennis Lehane, la touche irlandaise

Mr Mercedes

une série de David E. Kelley adaptée du roman de Stephen King

Le roman de Stephen King était déjà excellent : la série télé en dix épisodes diffusée à l’été 2017 par la chaîne américaine Audience est parfaite. Le romancier Dennis Lehane, le scénariste David Kelley et le réalisateur Jack Bender s’y sont collés.

J’avais déjà beaucoup aimé le roman, sorti en France en février 2015 [1]. J’espérais alors que les deux suites annoncées allaient être à la hauteur, mais ce ne fut pas tout à fait le cas : ni Carnets Noirs (2016), ni Fin de ronde (2017) n’ont eu la densité dramatique de Mr Mercedes, grand roman sur la vengeance, l’obsession, la traque et le besoin éperdu d’être aimé.

A l’été 2017, la chaîne américaine Audience, qui comme son nom ne l’indique pas, est plutôt confidentielle, a sorti une première saison de dix épisodes (50 minutes chacun) confiée à David E. Kelley, entouré de l’écrivain Dennis Lehane et du réalisateur de série Jack Bender. Le casting est également de haut niveau, avec Brendan Gleeson dans le rôle du flic retraité Bill Hodges et Harry Treadaway qui incarne le tueur en série Brady Hartsfield, vendeur de matériel électronique et marchand de glaces.


 

Les rôles féminins sont également à la hauteur des personnages créés par King : de la mère incestueuse de Brady à la lumineuse Janelle Patterson en passant par l’irrésistible Holly Gibney, (dont le côté lunaire et définitivement inadapté à la vie en société rappelle parfois Lisbeth Salander dans Millenium) ou la vendeuse lesbienne Lou Linklatter, toutes sont jouées avec talent et apportent un contrepoint bienvenu à une histoire particulièrement dure.

Transformer 470 pages de roman en en peu plus de huit heures de série implique forcément de faire des choix, mais à l’inverse d’une adaptation pour le cinéma, il est ici possible d’approfondir des personnages, d’installer des scènes y compris dans ce qu’elles ont de routinier (la maison de Bill Hodges, ses discussions de voisinage avec sa voisine Mrs Melbourne, le magasin Discount Electronix avec Lou et Brady aux prises avec un cheffaillon minable) et bien sûr de s’offrir quelques variantes avec l’histoire originale.

Ainsi, le roman s’ouvrait sur un massacre perpétré sur le parking d’un centre de congrès où devait se tenir un forum pour l’emploi, et où des centaines de chômeurs faisaient la queue par une nuit glaciale. Une Mercedes SL 500 avait foncé dans le tas, faisant huit morts et une trentaine de blessés. Et il se clôturait sur une tentative d’attentat lors d’un concert de Boys Band qui avait attiré des milliers d’enfants et d’adolescents dans une immense salle de spectacle.

Comment ne pas repenser au carnage de Nice le 14 juillet 2016 (86 tués sur la Promenade des Anglais par un terroriste au volant d’un camion frigorifique) ou à celui de la Manchester Arena le 22 mai 2017 (attentat-suicide à l’explosif faisant 23 morts) ? Tout maître de l’horreur qu’il est, Stephen King ne peut pas faire pire en fiction que la réalité elle-même.

Adapter ses romans sur le grand écran est une entreprise compliquée et souvent décevante. Mr Mercedes prouve qu’avec du talent et de l’audace, ça reste possible, au moins pour une série télé. Une deuxième saison sera mise en tournage à partir de février 2018 à Charleston, en Caroline du Nord.

P.-S.

Lire l’article de Benjamin Campion sur le site Liberation.fr

Voir l’épisode 1 en ligne (en VO) sur le site de la chaîne Audience

Notes

[1Lire Mr Mercedes.