CHRONIQUE D’UN MASSACRE ORDINAIRE
Et si le personnage principal de Battle for Haditha, c’était lui, George Bush ? On ne l’aperçoit que deux fois dans le film : au début, au milieu des Marines, en tenue de combat (lui qui les a toujours fuis quand il était mobilisable), où il parle de liberté, de démocratie et autres mots creux qu’il a tant bafoués. Et à la fin, quand, interrogé début 2006 par la télévision sur le carnage d’Haditha, il répond, penaud, que s’il y a eu des abus, ils seront punis, un peu comme il parlerait d’une mère qui aurait mis une gifle à son enfant.
L’histoire est sordide. Le 19 novembre 2005 au petit matin, un convoi de Marines passe sur une route à l’entrée de la ville de Haditha, au nord de Bagdad. Une bombe télécommandée par un téléphone mobile explose au passage du convoi, tuant un marine et en blessant deux autres. En représailles, les soldats américains tirent sur tout ce qui bouge, et même sur ce qui ne bouge pas : 24 civils irakiens, dont le seul tort est de s’être trouvé à proximité de l’explosion, vont y laisser leur vie, essentiellement des femmes, des enfants et des vieillards. L’exemple-même de bavure sanglante comme en connaissent toutes les guerres coloniales.
Nick Broomfield a choisi la voie de la fiction, mais une fictions aux allures de documentaire : l’épisode est tourné en Jordanie, et les acteurs sont d’un côté d’anciens Marines, de l’autre des réfugiés irakiens. Autant dire que les uns comme les autres ont vécu ce véritable enfer engendré par la soi-disant guerre contre le terrorisme mené par Bush et sa clique extrémiste en mars 2003.
Filmé au plus près du quotidien des Marines, crevant de trouille derrière leurs plaisanteries grasses, des habitants de Haditha qui préparent une fête à l’occasion de la circoncision d’un enfant et de deux rebelles chargés par Al-Qaida d’installer la bombe, ce docu-fiction montre à quel point l’occupation américaine est aussi absurde que criminelle : quelques heures avant l’attentat, les deux rebelles passent un check-point sans que leur bombe, dissimulée sur la plateforme d’un camion, ne soit découverte. Et quelques heures après, un convoi américain armé jusqu’aux dents croise à nouveau les mêmes rebelles dans une rue de la ville. Entre les deux, le carnage aura eu lieu, soigneusement filmé au camescope pour les besoins du recrutement de nouveaux rebelles.