Que retient-on d’un voyage à l’étranger de cinq jours quand on a quinze ans ? Le groupe qui se forme, des amitiés qui naissent, au détour d’une attente dans une aérogare, la découverte d’un trajet en avion, la nourriture étrange d’un pays inconnu ? Un peu de tout cela, mais bien d’autres choses encore. Surtout quand le voyage en question vous amène dans le trou noir de l’histoire de l’humanité, le camp d’extermination d’Auschwitz- Birkenau.
« On a commencé par le camp d’Auschwitz I, explique Élodie. C’est là où il y a un portail à l’entrée où est inscrit “Arbeit macht frei”, le travail rend libre. C’est un musée maintenant. » « On a vu les tas de chaussures, les cheveux, des montagnes de cheveux, » ajoute Adrien. « On a vu aussi la potence où Rudolf Hess a été pendu après avoir été condamné après la guerre. Il y a une salle avec les photos des prisonniers, leur date d’arrivée et la date de leur mort. En moyenne, ça faisait deux mois d’écart. »
Élodie raconte le mur des fusillés, où les prisonniers étaient abattus d’une balle dans la nuque. « On a déposé des fleurs à cet endroit. » Elle se souvient des photos d’enfants torturés par le Docteur Mengele, dont la spécialité était les expériences sur les jumeaux.
« C’est là où les SS triaient ceux qui allaient vivre et ceux qui allaient mourir »
Puis vient la visite d’Auschwitz II, à Birkenau, trois kilomètres plus loin. Là, l’horreur franchit encore un palier, avec ses 1,1 million de morts, essentiellement des Juifs et des tziganes. « Ce qui m’a marqué, c’est le silence, raconte Fabien. C’est pesant, mais il y a du respect. Ça vient naturellement. »
Les chambres à gaz, les crématoriums, la ligne de chemin de fer qui s’arrête au milieu du camp... « C’est là où les SS triaient ceux qui allaient vivre et ceux qui allaient mourir, explique Sophie. Une fille de treize ans a été sauvée parce qu’elle a dit qu’elle en avait quinze. » « Ils envoyaient dans les chambres à gaz les femmes enceintes, les bébés » ajoute Clément. « On a vu les baraquements, ils dormaient à douze par lit. Mais il fallait que tout soit propre. » Et pour cause : « Les SS avaient très peur des épidémies, du typhus. »
De part et d’autre de la dalle noire en français du monument international entre les crématoires II et III, les collégiens gardannais ont allumé des bougies. « On a suivi les rails sur lesquels les trains arrivaient dans le camp, » raconte Sophie. « Le camp se détériore, ajoute Manon, c’est difficile à entretenir en l’état. Nous, on doit transmettre ce qu’on a vu. » Adrien se souvient d’un « arbre de Birkenau qui existait au moment du camp et qui est toujours là. C’est un bouleau blanc. »
« On ne peut pas se plaindre après avoir vu ça »
Après le temps du témoignage, vient celui du ressenti. Pour Élodie, « ce qui m’a choqué le plus, c’est les habits de bébé, il devait avoir un an et ils l’ont gazé. » Pour Fabien, « on a l’impression que rien n’a changé depuis. A part qu’il n’y a plus personne. » Pour Manon, « personne ne réagit de la même manière. » Élodie revient sur les conditions de vie épouvantables : « On ne peut pas s’imaginer être là-bas. L’hygiène, c’est pas possible. On ne peut pas se plaindre après avoir vu ça. On se rend compte que ce n’est rien à côté. En rentrant à la maison hier soir, j’ai parlé pendant au moins une heure et demie. »
Les quatre accompagnateurs (Jacqueline Perrais, principale adjointe, Mustafa Khairoun, professeur d’histoire-géographie, Élisabeth Goubert, professeur documentaliste et Philippe Salomez, conseiller principal d’éducation) ont tenu à souligner le comportement exemplaire des élèves et le soutien des parents tout au long du projet.