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Sur l’écran blanc de leurs nuits noires

Le festival d’automne vient de boucler sa vingtième édition. Une soirée spéciale a permis aux fidèles de se retrouver et d’échanger des souvenirs, entre avant-premières et rencontres avec les réalisateurs.

« Aujourd’hui, j’en suis à mon cinquième film. C’est un rythme à prendre, au début je ne pouvais pas en voir plus de deux par jour, témoigne Marie-Hélène. Ce que j’aime, dans le festival, ce sont les rencontres avec les réalisateurs, et puis se retrouver entre amis. Gardanne, c’est spécial. »

Tout comme elle, Maurice en est à son vingtième festival. C’est bien simple, il n’en a manqué aucun depuis le tout premier en 1989, et il peut vous raconter une scène d’un court-métrage vu il y a dix ans comme s’il venait de le revoir. « C’est une autre façon de voir les films, il y a une ambiance particulière, on se plonge là-dedans tout au long de la journée. Et il y a des réalisateurs qui racontent le film qu’ils auraient aimé faire, d’autres qui ont du mal à s’exprimer alors qu’ils ont fait un film magnifique. Il y a eu des moments étonnants, comme une panne de projecteurs pendant laquelle le public a eu droit à des calissons pour patienter.  »

Bernard Lafon, le directeur du 3 Casino, se souvient qu’en 1989, « il n’y avait que 15 films à l’affiche, dans une seule salle. Depuis, en dix-neuf ans, on a dû dépasser les mille longs métrages projetés. » Surtout, avec le temps, le festival a gardé son esprit convivial mais a changé de statut : « comme celui de La Rochelle, on fait un festival pour le public, et les distributeurs le savent. Maintenant, ce sont eux qui nous sollicitent pour présenter des films en avant-première. »

Les bons moments du festival, ce sont les soirées spéciales, comme celle consacrée au cinéma bollywoodien, qui a fait salle comble le 31 octobre avec la projection de Jodhaa Akbar et un repas indien. Trois jours plus tôt, le public était invité à venir habillé en noir et blanc, pour la projection du film japonais L’île nue à l’occasion de la vingtième édition du festival. Après la séance, tout le monde s’est retrouvé sur la scène pour déguster un buffet préparé entre autres par Zoya Mezadourian, un des piliers de l’équipe du cinéma. Vin de noix, oeufs de lump, toasts au endives et gâteaux à la crème et au chocolat, voilà qui change du pop-corn !

Plus classique, le festival a offert une demi-douzaine de rencontres avec des réalisateurs, comme le documentariste Olivier Weber, venu présenter La fièvre de l’or. « Je suis fasciné par la fascination des hommes pour l’or, explique-t-il. L’Amazonie, c’est un casino, en plus dangereux. L’espérance de vie des orpailleurs est très réduite. Les femmes y sont une marchandise, au même titre que le mercure, l’essence et les quads. Cet endroit entre le nord du Brésil, le Surinam et la Guyane française, c’est l’ancien Eldorado des conquistadors. Et l’Europe y gagne au change, puisqu’elle exporte du mercure, 120 tonnes par an, contre 300 tonnes d’or. »

« Ce que j’aime dans le festival, ce sont les rencontres avec les réalisateurs et se retrouver entre amis. »

Côté fiction, René Féret a présenté en avant-première Comme une étoile dans la nuit, une histoire d’amour et de mort (sortie le 3 décembre) entre une jeune femme et son compagnon qui apprend qu’il est atteint d’un cancer incurable. « Chaque image de ce film est sortie de notre atelier de création, sans livre de recettes. Il s’inspire d’une histoire vraie qu’a vécu ma nièce, autrement dit, le scénario était écrit par la réalité. Il ne fallait surtout pas tomber dans le pathos. Et maintenant, c’est un film qui existe, et qui va durer plus longtemps que nous tous. »

Ce qu’aime René Féret avant tout, c’est de faire revivre des personnages disparus. « Mon frère est mort avant ma naissance, et d’une certaine manière, je le remplace. Je travaille en ce moment sur le tournage d’un film qui raconte l’histoire de la soeur de Mozart. » Celle-ci sera interprétée par la propre fille du réalisateur, Marie Féret présente à ses côtés au 3 Casino. « Je suis très content d’être à Gardanne, ajouta-t-il. C’est un des endroits de cinéphilie vivante, avec un public qui aime vraiment le cinéma. »

Le palmarès du festival

C’est l’histoire étonnante, drôle et émouvante des Young@Heart filmés par Stephen Walker. I feel good ! clament ces chanteurs et chanteuses de 80 ans de moyenne d’âge. Une chorale à nulle autre pareille qui connaît le succès dans monde entier avec des reprises sur scène de Jimi Hendrix, des Clash, de Radiohead ou de James Brown (sortie annoncée le 24 décembre). C’est en tout cas le film préféré du public pour cette vingtième édition riche en émotions.

Le prix de la jeunesse, décerné par le jury jeunes, est allé au film polonais Quatre nuits avec Anna de Jerzy Skolimowski (sortie le 5 novembre). Mais les jeunes ont tenu eux aussi à donner un gros coup de coeur aux ancêtres de I feel good ! bel exemple de rapprochement des générations.

Enfin, le prix du court-métrage est attribué à Paseo de Arturo Ruiz Serano (Espagne).