Entre les murs de Laurent Cantet, avec François Bégaudeau, Nassim Amrabt et Laura Baguela (2h08)

, par Bruno

Portrait juste et sans concession sur le quotidien d’un collège, Entre les murs met en évidence les rapports de force entre un enseignant et les élèves, et la difficulté de se faire entendre, à tous les sens du terme.

L’EMPLOI DU TEMPS

Est-ce que les mots ont encore un sens ? Ce n’est pas pour rien que Entre les murs débute par une tentative de définir des mots complexes piochés dans un texte, et se termine par les mots prononcés par une élève, constat d’une sécheresse et d’une sincérité effrayantes : « monsieur, je n’ai rien appris ». Un enseignant est-il prêt à entendre cela, et à en tirer des conclusions ? Rien n’est moins sûr.

Il faut louer la grande honnêteté de François Bégaudeau, professeur de français en collège, qui a raconté dans son livre Entre les murs son expérience d’enseignant. Il a largement contribué à l’écriture du scénario du film de Laurent Cantet, et il joue son propre rôle, ou tout au moins le rôle du prof de français François Marin. Car la ligne est ténue entre fiction et documentaire, et sans doute est-il juste de dire que Entre les murs n’est ni l’un ni l’autre, ou un peu des deux.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas à son avantage, ce prof de français qui tente, tant bien que mal, d’apprendre quelque chose à des élèves de quatrième d’un collège parisien en ZEP. Il est plein de bonne volonté, de détermination, de générosité, mais ça ne suffit pas, bien sûr. Comment faire pour motiver une classe à apprendre une règle grammaticale ? A écrire un autoportrait, avant de le lire devant tout le monde ? A respecter quelques règles de bonne conduite ? Et comment faire quand on se retrouve face à un mur (une élève qui refuse de lire un texte à voix haute) ou quand on commet une erreur qui met aussitôt le feu aux poudres ?

Le film ne juge pas, n’est jamais manichéen. Il n’y a pas d’un côté un prof laxiste et des élèves chahuteurs, ni même de bons et mauvais enseignants, et encore moins, contrairement à ce que dit un prof le jour de la prérentrée, des élèves « gentils » et des « pas gentils du tout ». Dans le huis clos de la salle de classe, Laurent Cantet observe tour à tour les uns et les autres, toujours à bonne distance. Et c’est dans ce regard à la fois proche et distancié que la violence apparait au grand jour. Pas uniquement la violence physique, ni même les insultes, mais la violence insidieuse faites de petites humiliations répétées : ces choses importantes qui ne sont pas entendues, ces vannes parfois insupportables que l’enseignant lance, parfois pour se protéger, parfois aussi pour marquer sa supériorité sur les élèves.

Le quotidien de la vie de collège, fait de conseils de classe, de réunion de conseil d’administration, et bien sûr du conseil de discipline — où l’incompréhension atteint des sommets quand la mère de l’élève convoqué ne comprend pas le français et se fait traduire les propos du principal par son propre fils — est rendu avec le réalisme du documentaire et la dramaturgie de la fiction. C’est là le grand mérite du film de Laurent Cantet.