C’est une petite déception : voir sur grand écran, sous forme de fiction, le récit de l’avant et après catastrophe de Tchernobyl, avec en prime la très belle Olga Kurylenko en prime (la James Bond girl de Quantum of Solace), que voilà une perspective excitante ! mais le scénario, écrit par la réalisatrice israélienne Michale Boganim, n’est franchement pas à la hauteur du sujet. Comme il y a Olga Kurylenko et qu’elle capte magnifiquement la lumière (un peu comme Isabelle Adjani à ses débuts), tout tourne autour d’elle : ses amours compliquées, sa vie en miettes, sa mère fatiguée, ses souvenirs obsédants.
Surtout, le film pêche dans sa construction bancale : la première partie, de loin la meilleure mais franchement trop courte, reconstitue les heures qui précèdent et qui suivent la fusion du réacteur de la centrale nucléaire dans la nuit du 26 avril 1986. L’idée de départ était brillante : montrer que jusqu’à l’accident, Tchernobyl était un endroit bucolique et vivant avec ses guinguettes, son mariage à la campagne, ses rivières, ses forêts et ses pêcheurs à la ligne. Tiens, un peu comme Fukushima avant le 11 mars 2011...
L’accident sera à peine suggéré. N’espérez pas voir une reconstitution avec de gros effets spéciaux. Des poissons morts qui flottent le ventre en l’air, un rat qui agonise dans un champ, les feuilles des arbres roussies du jour au lendemain, comme si la nature toute entière tirait le signal d’alarme. C’est un parti pris (probablement dicté par l’absence de moyens) qui est tout à fait défendable, et qui fonctionne parfaitement dans les scènes tournées sous une pluie torrentielle dont on sait, évidemment, qu’elle contient la mort.
La deuxième partie, beaucoup plus longue, a lieu dix ans plus tard, en 1996. Pripiat, qui abritait 50 000 habitants au moment de la catastrophe, est désormais à l’abandon, envahie par la végétation, avec ses façades aux fenêtres brisées et ses murs lépreux. Michale Boganim a pu tourner sur place (dans des conditions difficiles compte tenu du taux de radioactivité encore très élevé) et là, son film prend des aspects de documentaire, comme si elle était embarquée elle-même dans un bus affrêté par le Tchernobyl Tour. Car désormais, les abords de la centrale et la ville de Pripiat se visitent comme un parc d’attraction.
Ce qui ne fonctionne pas, c’est l’histoire romantico-nostalgique d’Anya (Olga Kurylenko), partagée entre un ami ukrainien et un fiancé français, et qui gagne sa vie comme guide sur les lieux de la catastrophe, là-même où elle s’est mariée un 26 avril 1986. Dommage, car ces images de Pripiat fossilisée et figée sans doute pour des centaines d’années sont terribles. Et le contraste avec celles du début pourrait constituer le réquisitoire le plus implacable contre l’industrie du nucléaire.