Le gardien du temps Energies - sept février deux mille huit

, par Bruno

Installé dans les Ateliers d’art de Valabre depuis bientôt deux ans, Thierry Gibernon a de l’or dans les mains. Meilleur ouvrier de France en 2000, il crée et restaure d’extraordinaires mécanismes d’horlogerie.

Pour Thierry Gibernon, il y a le temps minuscule, celui d’une roue dentée qui entraîne la trotteuse d’une montre soixante fois par minute. Et puis il y a le temps qui dépasse la vie des hommes, l’âge des pendules qu’il nettoie, répare et restaure, des pendules dont certaines ont près de trois siècles et à qui il redonne vie pour « au moins deux cents ans. » A son atelier niché dans l’ancienne Tuilerie Bossy à Valabre, Thierry passe des journées entières à raviver des pièces parfois noires de crasse ou grignotées par la rouille que l’on croirait perdues. « J’ai mis trois ans à élaborer un procédé de restauration à l’état d’origine. Je ne fais pas de dorure, j’enlève la crasse. Si nécessaire, je travaille avec d’autres artisans, pour faire de l’ébénisterie ou retoucher des décorations polychromes. »

Dans une pendule conçue après la Révolution, il n’y a pas qu’un mécanisme d’horlogerie : le bronze, le marbre ou le bois qui l’habillent ont eux aussi besoin d’être remis en valeur. « La restauration, c’est de retrouver la volonté du créateur et de la respecter, en se mettant à sa place. D’une certaine manière, il m’a appris quelque chose, et mon travail, c’est une façon de le remercier. » Perfectionniste, Thierry reconnaît que la qualité se paie. « Il est certain que ceux qui cherchent le “encore moins cher” ne viennent pas chez moi. » L’horloger de Valabre tient surtout à la qualité de la relation avec ses clients : « je suis un intermédiaire entre un objet et son propriétaire, c’est lui qui en est responsable. Je lui apprend comment ça marche, comment le remonter, comment l’observer. Je lui dit : prenez votre temps, apprenez à le comprendre. »

Le parcours de Thierry n’est pas banal  : après quatorze années passées comme cuisiner gastronomique (« déjà de la restauration, » plaisante-t-il), il repart de zéro, passe un CAP d’horloger et, au bout de sept ans, décide de se mettre à son compte. Il s’installe chez lui et travaille pendant six mois pour créer une oeuvre (une montre à affichage sectoriel et rétrograde) qu’il présente au concours du Meilleur ouvrier de France. Fin 2000, il est récompensé : il gagne le concours, « la plus haute qualification pour un artisan.  »

Car Thierry ne fait pas que restaurer, il crée aussi des prototypes, des machines magnifiques avec des mécanismes apparents, des rouages biseautés et polis qui accrochent et renvoient la lumière derrière un cadran translucide aux chiffres gravés et aux aiguilles stylisées. « C’est valorisant de faire quelque chose par soi-même de A à Z. L’horlogerie, c’est un travail très créatif, c’est ça qui me passionne. »

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