Le grand angle intimiste d’Eric Franceschi

, par Bruno

Vous ne connaissez pas Eric Franceschi ? Vous avez pourtant sûrement déjà vu ses photos, sans savoir qu’elles étaient de lui. Certaines ont fait la Une de Libération, d’autres se retrouvent en pages intérieures, notamment pour des portraits de politiques. En août, Le Monde 2, supplément du samedi axé sur le photoreportage, lui a consacré un portfolio sur son voyage en Laponie sur les traces du lièvre de Vatanen.

Eric Franceschi a une prédilection pour le noir et blanc, le grand angle et les sujets bizarres. Ou tout au moins les sujets normaux traités bizarrement. Le hasard a fait que nos trajectoires professionnelles se sont croisées pendant quelques semaines, au printemps et à l’été 1992. J’arrivais à Gardanne, et lui allait bientôt en partir. J’aurai eu le temps de travailler avec lui sur des sujets pour le magazine de la Ville, Energies. Il avait son caractère, mais c’était un très bon photographe. Ça l’est toujours, évidemment.

Si vous voulez en juger par vous-même, allez donc voir son site où il vous accueille en vous tirant la langue (rose). Vous y découvrirez au fil de ses reportages, l’Huveaune, rivière ignorée qui passe par Aubagne (ma ville natale) et qui finit à Marseille dans l’indifférence générale, des clichés carrés en couleurs qui basculent sans transition du bucolique au trash. Vous pourrez aussi opter pour une ballade « urbaine, frileuse et gastronomique » à Montréal (des vignettes en mosaïque par planches de 16), ou prendre avec Eric et Sacha le chemin de la crèche, en noir et blanc ou en couleur et en musique [1]. Son sens du détail, burlesque ou attendrissant, éclate à chaque image, en alternance avec des plans larges où les gens se font tout petits.

Ma série préférée, c’est toutefois La trilogie de Barbie. Vous verrez ainsi la poupée la plus célèbre du monde se promener nue à la campagne, à la montagne et à la mer, une suite irrésistible de photos où le jouet en plastique rose est saisi dans toutes les positions et avec un souci du détail digne des plus grands portraitistes. On ne peut pas s’empêcher, évidemment, de faire le rapprochement avec le dernier film de Terry Gilliam, Tideland, où les mêmes Barbie jouent les seconds rôles aux côtés de la petite Jodelle Ferland.
Ce Franceschi, c’est un vrai cinéma.

Notes

[1En voyant cette série, je ne peux pas m’empêcher de penser à un autre univers, sonore celui-là, capté pour Arte Radio par Marc Voiry : Tous les jouets de Khadidja.