A 64 ans, Terry Gilliam est de retour. Parce qu’on a eu très peur qu’il envoie tout promener après l’échec de Las Vegas Parano et le naufrage de L’homme qui tua Don Quichotte [1], la sortie longtemps annoncée des Frères Grimm était en soi une bonne nouvelle, doublée par celle, dans quelques mois, de Tideland [2]. On s’attendait donc à quelque chose entre Bandits bandits et Les aventures du Baron de Munchhaüsen, une visite à travers les contes et légendes mélangée aux propres fantasmes de l’ex-Monty Python.
De ce côté-là, on n’est pas déçu. Gilliam n’a pas perdu la main, loin de là, et filme comme personne une forêt ensorcelée ou un village allemand des guerres napoléoniennes. Sa caméra sculpte l’espace, contourne les obstacles, plonge, s’envole, serre de près les visages et les mains. On ne peut s’empêcher de penser, même si ça a été souvent répété, de ce qu’il aurait fait de l’adaptation de Harry Potter [3], mais sa créativité, son indépendance et la réputation chaotique de ses tournages l’ont finalement desservi.
Dans Les Frères Grimm, on croise donc une vieille femme avec une pomme, une petite fille en rouge perdue dans la forêt, une reine aux longs cheveux enfermée en haut d’une tour, des corbeaux qui picorent des miettes semées le long d’un chemin... et les deux frères, pas encore auteurs mais déjà escrocs, spécialistes en poudre aux yeux et autres tours de passe-passe grâce auxquels ils gagnent leur vie. De ce qui aurait pu devenir une belle métaphore sur la puissance de la fiction, il ne reste qu’un spectacle relativement maîtrisé handicapé par un scénario maladroit et un fil conducteur un peu lâche. On en garde quand même quelques fulgurances visuelles et l’envie de revoir Brazil pour la dixième fois.