FLUIDITÉ ET HARMONIE
Tout d’abord, le choc d’un visage. Celui de Mylène Jampamoï, une sublime métisse franco-chinoise (elle est née à Aix-en-Provence) aux yeux gris-verts et au sourire ravageur. Autour de ce visage, un décor magnifique, celui de l’île du botaniste dans laquelle la stagiaire Li Ming (Mylène, donc) vient travailler. Une profusion végétale de plantes aromatiques et médicinales sur laquelle la pluie ruisselle. La caméra de Dai Sijie s’approche au plus près de cette nature domestiquée, fouille la terre pour extraire les racines de ginseng. Il ne manque que les odeurs pour être littéralement plongé dans cet éden, comme Li Ming quand elle respire les vapeurs hallucinogènes que lui prépare An, la fille du botaniste. Entre elles va se développer une amitié profonde qui n’est que le prélude à un désir physique inavouable.
Les mouvements de caméra de Dai Sijie rappellent de façon frappante ceux d’Atom Egoyan dans la boîte de nuit d’Exotica ou dans la serre d’Ararat. Certains pourraient s’exaspérer de ce maniérisme, de ce goût si visible de produire des images sublimes comme celle d’un mariage paysan au bord du fleuve, dans une profusion de rouge et de vert. C’est oublier un peu vite que le cinéma, c’est aussi cela, des paysages qui éclatent sur un grand écran et des plans serrés qui frôlent les corps.
S’il exalte la pureté et la profondeur de l’amour entre les deux femmes, Dai Sijie n’est pas tendre pour les hommes : le botaniste, homme de sience et de savoir, est d’un rigorisme insupportable. Le frère de Han, qui va épouser Li Ming, n’est qu’un soldat bas de plafond et violent. Les soldats et les juges sont l’incarnation d’une société paternaliste et machiste, celle de la Chine des années 80. Il n’est pas sûr que depuis, les mentalitées aient évolué aussi vite que le libéralisme économique : Dai Sijie a dû tourner son film au Vietnam et renoncer à son actrice fétiche Zhou Xun.