Tous à la niche !

Les nouveaux chiens de garde un film documentaire de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat

, par Bruno

Adaptation cinématographique de l’essai de Serge Halimi (publié il y a quinze ans), Les nouveaux chiens de garde tapent fort là où ça fait mal au petit monde médiatique : sa collusion honteuse avec les politiques et les industriels. Tardif, mais salutaire.

Même au lecteur habitué des articles du site Acrimed et abonné au Monde diplomatique, Les nouveaux chiens de garde ne manquera pas d’étonner, de surprendre, pour ne pas dire de dégoûter. Comment ne pas l’être quand on suit en quelques secondes la trajectoire de Michel Field, passé en quelques années de l’extrême-gauche révolutionnaire et hirsute au publireportage pour le groupe Géant Casino et à l’animation des meetings de l’UMP ? Comment ne pas être éberlué par le défilé de demi-mondains et de précieuses ridicules venus du monde des affaires, de la politique et des médias sur le trottoir de l’Hôtel Crillon où se réunit une fois par mois le club du Siècle ?

Dans le documentaire de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, tout y passe : liaisons incestueuses politiques/journalistes (Ockrent/Kouchner, Sinclair/DSK, Pulvar/Montebourg, Schönberg/Borloo...), complaisance écœurante des éditorialistes de cour (Elkabbach et Joffrin, entre autres) à vis-à-vis des ministres et des chefs d’Etat, agressivité des mêmes contre des syndicalistes ou des travailleurs sociaux, sommés de ramener séance tenante le peuple égaré à la niche, transferts d’un journal à une radio, du service public au privé en un va-et-vient incessant.

Mais là où le film va plus loin que la simple critique des médias, c’est dans la mise en évidence de la diffusion massive, depuis une trentaine d’années, de la pensée unique économique dont Alain Minc est la caricature vivante : il faut des réformes, toujours des réformes, il faut renoncer aux avantages acquis, il faut travailler plus, tout cela dans un système ultralibéral tendant à la perfection, même au bord du gouffre comme il l’est depuis la crise financière de 2008.

Et si le peuple ne comprend pas, il faut faire de la pédagogie. Pas de la politique, de la pédagogie, on vous dit ! C’est d’ailleurs dans ces moments-là que, chez les journalistes de cour, les coups de langue aux puissants se transforment en coups de dents contre la populace, celle qui ne comprend rien à la marche du monde et qui n’est bonne qu’à brûler les voitures ou, crime suprême, séquestrer des patrons.

Au fond, c’est bien de lutte des classes dont il s’agit, les journalistes dont parle le film ayant depuis longtemps intégré la classe dominante, celle qui plaide pour la suppression du smic tout en faisant des ménages à 15 000 euros (en plus de leur salaire habituel, bien entendu) et qui a son rond de serviette dans les principaux médias. Et bien entendu au Crillon. Au fait : depuis le 1er janvier 2011, le président du Siècle est une femme : Nicole Notat, ex-syndicaliste. Bon appétit !

Lire aussi l’entretien de Yannick Kergoat sur le site Backchich.info.