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Polisse

D’un sujet particulièrement ardu (le quotidien de la Brigade de protection des mineurs) et avec un casting audacieux (JoeyStarr en flic, fallait oser), Maïwenn réussit un film fort et sans complaisance.

Dans les tréfonds de la misère humaine

Comment peut-on vivre une vie normale quand son métier est de recevoir des pédophiles, des parents qui abusent leurs enfants ou qui les exploitent, le fond du trou de la misère humaine ? Réponse, on ne peut pas. C’est ce que montre le film de Maïwenn, Polisse, une fiction inspirée directement du travail de la Brigade de protection des mineurs de Paris.

Rentrés chez eux, ces hommes et ces femmes ni pire ni meilleurs que d’autres (le film met un point d’honneur à ne pas les juger) doivent composer avec une vie de couple en miettes, et forcément ça se passe mal. Cette somme de douleurs et de vies brisées qu’ils voient défiler dans leurs locaux, et leur impuissance, faute de moyens, à y apporter une solution satisfaisante, ces policiers les ressortent dans tous leurs échanges : avec leur conjoint, avec leurs collègues de travail, avec les accusés bien sûr et même avec les victimes.

Il y a bien quelques trouées dans le noir, comme une soirée-défouloir sur la piste de danse, ou comme l’histoire d’amour qui se construit ente Fred (JoeyStarr, très surprenant) et la photographe Melissa (jouée par la réalisatrice, compagne du rappeur jusqu’à la fin du tournage), ou encore l’évacuation en bus de la police d’une vingtaine d’enfants roumains.

Mais à côté, autour, avant et après, la tension est permanente, que ce soit lors des trois scènes d’intervention en extérieur (la rafle dans le campement roumain, la chasse d’une femme dangereuse ayant enlevé son bébé et une opération d’arrestation de trafiquants dans un centre commercial) ou dans les bureaux de la brigade. Coincés entre des faits inextricables et une hiérarchie décidée à ne prendre aucun risque (surtout quand une personnalité est à son tour arrêtée), les flics lâchent régulièrement la pression, et c’est spectaculaire.

Maïwenn est aussi à l’aise dans ces espaces réduits où les protagonistes sont à quelques dizaines de centimètres l’un de l’autre que dans des scènes de plus grande ampleur comme celle du centre commercial, au montage méticuleux et parfaitement maîtrisé. Une belle réussite.