télécharger l'article au format PDF

The Tree of Life

Mettons de côté la Palme d’or, qui n’a jamais été un critère pour distinguer un grand film d’un film raté. Que reste-t-il de l’arbre de vie de Terrence Malick ? Quelques plans fulgurants, des mouvements de caméra flottants, la lumière solaire à contre-jour, et puis c’est tout. Aussi hermétique qu’une œuvre d’art contemporain, aussi pompeux qu’un évangile, le film de Terrence Malick désoriente, décourage et déçoit.

Les regrets sont éternels

On l’a comparé à Kubrick, et notamment à son 2001. Etrange : à côté de The Tree of life, 2001 est aussi rythmé que Star Wars. Le dernier film de Malick, le cinquième en trente-huit ans (les vingt-huit ans qui séparent Orange Mécanique de Eyes Wide Shut sont enfoncés) ressemble plutôt par moments au Décalogue de Kieslowski (le mystère du sacré, le côté contemplatif, la grâce), à d’autres à The Wall de Alan Parker (les cadrages très serrés sur les visages et sur les gestes), mais au final, The Tree of Life finit par ne plus ressembler à rien.

Collage aléatoire de séquences quasi-abstraites (volcans, amibes, déserts, constellations...) et d’une histoire familiale à la chronologie explosée, cet arbre-là ne nous laisse aucune chance d’attraper une branche ou de s’aggriper à une racine. Comment peut-on comparer le travail de Terrence Malick à celui de Kubrick quand ce dernier s’appuyait toujours sur un scénario solide et élevait le récit aux dimensions d’un mythe ?

The Tree of Life pourrait être alors un grand film non-verbal, une expérience visuelle et sensorielle. Ce n’est pas le cas : les deux tiers du long-métrage (2h18) sont occupés par l’histoire de Jack, que l’on voit successivement bébé, garçonnet, enfant, puis à la cinquantaine, visiblement dégoûté de la vie et tentant de rassembler les souvenirs du temps perdu. Il y avait sans doute là de quoi faire un film remarquable, dans la description clinique d’une famille américaine des années cinquante a priori banale et traversée par la violence du père. Malick aurait ainsi pu creuser les dualités qui traversent le film, force/douceur, féminin/masculin, nature/technique, vivant/mort...

A n’avoir choisi ni l’une ni l’autre de ces options, Malick donne l’impression d’avoir agencé son film avec plusieurs projets dissemblables, espérant lier le tout dans une sorte de préchi-prêcha insupportable sur le bien et le mal, l’amour et la haine, Dieu et le père.

Au final, que reste-t-il de cette promesse de film immense ? Des fulgurances visuelles. Malick sculptant ses silhouettes à la lumière solaire. Tournant au niveau des épaules de ses personnages comme le souffle d’un esprit frôlant les nuques. Filmant les premiers pas d’un bambin, le mouvement de va-et-vient d’une balançoire sous les frondaisons, la fraîcheur de l’enfance se heurtant de plein fouet à la brutalité de l’adulte. C’est bien plus que n’en sont capables des centaines de cinéastes tâcherons. Mais ça ne suffit pas à faire un film.