Une fois que tu es né

, par Bruno

PAS TOUS DANS LE MÊME BATEAU

Popi, affairiste, son frère Bruno, riche industriel et son neveu Sandro sont sur un bateau, un somptueux voilier qui file dans la nuit. Sandro tombe à l’eau, qu’est-ce qui reste ? Une belle fable sur ce qui fait l’essence de notre monde dit civilisé, c’est-à-dire la frontière étanche dressée partout entre riches et pauvres. Sandro, treize ans, est bon nageur, mais seul en pleine nuit au milieu de la Méditerranée, il n’a aucune chance. Si sa route n’avait pas croisé celle d’un chalutier à l’agonie remplit à ras bord de clandestins, il se serait noyé. Sauvé et recueilli par les passagers de ce moderne radeau de la méduse, il lui restera à convaincre ses parents qu’il faut faire quelque chose pour deux Roumains hébergé dans un centre de transit et menacés d’expulsion.

L’auteur de Nos meilleures années, qui avait trouvé son public il y a deux ans, joue donc des contrastes avec bonheur. Le luxe et la vitesse du voilier d’un côté, la crasse et la lenteur du chalutier de l’autre expriment parfaitement que si l’on navigue tous sur la même mer, ce n’est assurément pas à bord du même bateau. La mauvaise conscience occidentale (le père de Sandro qui offre son portable au réfugié roumain avant de dire « Ce n’est pas juste, mais ce n’est pas ma faute ») y est épinglée avec talent, et la manière dont sont traités les clandestins [1] ne fait de concessions à pesonne.

On regrettera simplement que certains personnages soient à peine esquissés, notamment le père de Sandro, ou Radu, le réfugié roumain qui refuse de se laisser enfermer, que ce soit dans un centre d’accueil ou dans le regard des autres. De même, le rôle complexe de Sandro, remarquablement interprété, nous laisse un peu sur le côté. Dommage, car comme le dit le titre italien, quando sei nato non puoi più nasconderti : une fois que tu es né, tu ne peux plus te cacher.

P.-S.

Un film de Marco Tullio Giordana (sortie le 14 décembre). Avec Matteo Gadola, Rodolfo Corsato, Michela Cescon et Alessio Boni.

Notes

[1pourtant mieux en Italie qu’en France, lire l’article d’Isabelle Saint-Saëns sur le site Samizdat.net