Massacre à la batterie

Whiplash Un film de Damien Chazelle avec Miles Teller et JK Simmons (2014)

, par Bruno

Remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, primé à Deauville, le film de Damien Chazelle est un énorme coup de cymbale dans le ciel cinématographique de 2014. Présenté en avant-première à Gardanne, il sortira le 24 décembre. Ne le manquez pas !

On ne peut pas s’empêcher, en voyant ce Whiplash (littéralement : coup de fouet), de penser à un film sado-maso, et à deux références dans le genre : Raging Bull de Martin Scorsese, pour les plans serrés sur l’épuisement et la douleur, et Full Metal Jacket de Stanley Kubrick pour les séances d’humiliation-dressage. Pourtant, il n’est ici question ni de boxe, ni de préparation à la guerre du Vietnam, mais seulement de jazz.

<media1681|insert|right|class=shadow>Le film de Damien Chazelle, c’est une sorte de western où l’on se bat à coups de baguettes, où l’on défonce les caisses à coup de poing et où on se lance les cymbales à la figure. Le montage rageur et bondissant ne laisse aucun répit, et le schéma classique de l’initiation d’un jeune surdoué par un prof tyrannique vole ici en éclats. Car Andrex, 19 ans et une ambition dévorante, va tout d’abord encaisser, puis il va rendre les coups un à un. A tel point que le prof, interprété par un JK Simmons en grande forme, va voir se retourner contre lui toutes les crasseries possibles et imaginables qu’il inflige à ses élèves. Jusqu’à une scène finale aussi inattendue que suffocante.

A l’origine, Whiplash n’était qu’un court métrage présenté en 2013 à Sundance. Devant l’accueil public, Damien Chazelle le transforme en un long, tourné en une vingtaine de jours seulement. Le résultat garde cette urgence, cette vitesse sans jamais abuser de plans démultipliés comme en abusent les films d’action. Le film joue en permanence de la douche écossaise avec un Terrence Fletcher (le professeur) capable de tirer les larmes à ses élèves et l’instant d’après de les humilier sans raison. Même chose avec les nombreuses scènes de répétition hachées par des interruptions, signifiées par un poing fermé, qui évoquent évidemment ces réalisateurs capables de faire rejouer des dizaines de fois la même scène afin de pousser à bout les acteurs.

La tension permanente, la déstabilisation comme méthode pédagogique ont bien sûr des effets collatéraux sur la vie des élèves : les rares scènes hors cadre musical montrent comment Andrew reproduit autour de lui (avec ses parents et sa petite amie) cette obsession maladive pour l’excellence à tout prix. Mais les dégâts provoqués ne font qu’alimenter sa rage comme des pelletées de charbon jetés dans une chaudière sous pression qui risque à tout moment d’exploser. Mention au passage au travail du jeune Miles Teller dont la performance physique (et technique, car il joue lui-même de la batterie) est impressionnante.