Il y a eu des conférences sur la CECA, sur les énergies du futur, des documentaires vidéo, des contes pour les enfants. Mais le point culminant de la semaine européenne de la mine à Gardanne, c’était le jeudi 12 mai , dans un auditorium plein comme un œuf. Autour de l’historien Philippe Mioche, neuf mineurs. Deux sont Anglais, deux sont Belges, les cinq autres viennent du bassin minier de Gardanne. Pendant plus de deux heures, ils ont témoigné de leur vie au fond, comparé leurs conditions de vie, souligné les ressemblances.
Sergio Aliboni est né en Toscane. Ses parents ont fui la misère de l’aprèsguerre pour travailler en Belgique, et Sergio se retrouve à la mine à 15 ans. « J’avais peur de descendre. Les mines étaient très chaudes, très poussiéreuses, avec des veines très étroites. On travaillait à quatre pattes. On disait : là où la lampe passe, l’homme doit passer. A la maison, on cuisinait avec du beurre et de l’huile pour combattre la silicose qui nous arrachait à notre famille. On habitait dans des baraquements qui avaient servi pour des prisonniers allemands. Moi même, je ne sais plus vraiment si je suis italien ou belge. Je suis peut-être européen. L’Europe, c’est au fond de la mine qu’elle s’est faite. » Sergio est désormais administrateur du Bois du Cazier à Marcinelle, sur les lieux mêmes de la terrible catastrophe du 8 août 1956 qui a coûté la vie à 262 mineurs de 12 nationalités différentes.
L’Anglais Don Dart raconte qu’à Bath, « il y avait beaucoup d’immigrants, mais ils étaient bien intégrés. Ils venaient de pays où il n’y avait pas de travail. Ils ont formé une communauté avec les mineurs anglais, et à la fin de leur carrière, ils sont restés. » Francis Pelissier tente alors une comparaison avec l’intégration difficile des Italiens dans le Sud de la France. « Le ciment entre les différentes nationalités, ça a été d’abord le Front populaire, et ensuite le Maquis. Avant, il faut reconnaître qu’il y avait des antagonismes entre les mineurs provençaux et les Piémontais, souvent utilisés par les houillères pour briser les grèves. »
Il a été bien sûr aussi question de fermeture. Dans le Somerset, elle s’est faite en douceur, en 1973, par épuisement du gisement. « La fermeture n’a surpris personne, souligne Don Dart. Il faut dire que c’était le plein emploi à l’époque, et il était facile de trouver du travail. D’ailleurs, il n’y avait pas d’aide à la reconversion. » La situation en France est bien différente : « Dans 10, 20 ou 30 ans, on verra les dégâts sociologiques de la fermeture avec des hommes renvoyés à la maison à 40 ans, témoigne Alain Barrier responsable du syndicat CGT des mineurs. La direction n’a pas voulu accompagner ça. » Marcel Hardy, mineur belge, s’est quant à lui étonné « qu’une mine qui assurait un rendement de 13 tonnes par mineur et par jour ait pu être fermée. »
Le mot de la fin, c’est l’ancien mineur Roland Magère qui le donnera : « A mille kilomètres de distance, on ressent la même chose. Vous avez parlé avec votre cœur ! »