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Ponyo sur la falaise

Dans la lignée de Mon voisin Totoro, le dernier Miyazaki fait la part belle à la fraîcheur enfantine et aux choses étranges nées de leur imagination. Porté par des trouvailles visuelles époustouflantes, Ponyo souffre pourtant d’un scénario confus et de personnages secondaires moins travaillés que dans les précédents films.

MYAZAKI DANS LE CREUX DE LA VAGUE

Que retenir de Ponyo sur la falaise ? La fameuse scène du tsunami, bien entendu, un chef d’œuvre graphique et poétique étourdissant de vitesse (ce qui n’est pas un mince exploit pour un film d’animation traditionnel à l’époque du tout-3 D) qui à elle seule sauve le film. Mais aussi, plus près du début, un passage angoissant où le filet dérivant d’un chalutier racle un fond marin aux allures de décharge publique, univers mort asphyxié par les déchets qui rappelle celui de Wall-E. Et aussi la scène la plus touchante du film, vibrante d’amour, où le petit Sosuké envoie des signaux lumineux en morse à son père qui passe au large sur son bateau. Ces flashes de lumière qui se répondent dans la nuit (et qui évoquent le faisceau d’un projecteur de cinéma) disent mieux que des mots ce qui passe entre l’homme et son petit garçon.

Trois grands moments, c’est déjà trois de plus que dans bien des films. Est-ce suffisant, quand on à affaire à Miyazaki ? Probablement pas. Car le dixième long métrage du maître japonais [1] souffre de plusieurs faiblesses inhabituelles chez lui. Un scénario confus (d’autant plus que le film est sensé s’adresser à de jeunes enfants) qui désoriente le spectateur, ce qui n’est pas un défaut en soi à condition qu’il existe un fil narratif continu, un parti pris de départ auquel on peut adhérer.

Ensuite, les personnages, d’habitude si bien travaillés, ne tiennent pas la distance avec ceux des films précédents. Passe encore pour Sosuké (quoi qu’un peu transparent quand même) et pour la princesse-poisson transformiste Ponyo, espiègle, bien décidée à obtenir ce qu’elle veut et qui se situe dans la lignée de Méi (dans Totoro) ou de Sophie (qui changeait d’âge d’un plan à l’autre dans le Château ambulant). On ne peut pas en dire autant de Fujimoto, le père démiurge de Ponyo, croisement improbable d’un Hauru sous acide et d’un capitaine Nemo beatnik, ou de la divinité de la mer, qui semble égarée d’un mauvais Disney.

Dommage en fait que Ponyo ne s’inscrive pas plus franchement dans la lignée de Totoro : il y aurait gagné en simplicité en recentrant l’histoire sur les deux enfants et en donnant plus de densité aux adultes qui les entourent (la mère de Sosuké, les vieilles femmes de la maison de retraite). Auteur placé sous les signes de l’air et du feu, Miyazaki réussit son pari graphique d’un film en milieu marin, mais le scénario en fait les frais. En regard de tout ce qu’il a fait et de ce qui lui reste à faire, on ne saurait lui en vouloir.

[1pour une analyse détaillée de chaque film, voir le site Buta connection