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Poulet aux prunes

Quatre ans après l’adaptation au cinéma de Persepolis, Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud mettent en scène Poulet aux prunes, édité en 2004. Ils inventent ainsi un film hybride mélangeant acteurs en chair et en os et décors dessinés qui donnent à l’histoire des airs de conte.

La vie est un soupir

Edité un an après le dernier tome de Persepolis, récit autobiographique, Poulet aux prunes était la première incursion de Marjane Satrapi dans le domaine de la fiction. Graphiquement, il n’y avait pas de grande différences entre les deux œuvres, un même noir et blanc dépouillé d’une grande richesse visuelle.

En 2007, quand elle s’associe à Vincent Paronnaud pour adapter Persepolis à l’écran, Marjane Satrapi reste fidèle pour l’essentiel à ce parti pris graphique. Pour Poulet aux prunes, les deux compères ont décidé de changer d’optique et de faire un vrai film, avec des acteurs et des décors (le film a été tourné à Berlin).

Sauf que, passé le générique dessiné dans le droit fil de Persepolis (avec des teintes bleu-gris en lieu et place du noir et blanc), on découvre que si les acteurs (Mathieu Amalric, Jamel Debbouze et Maria de Medeiros en tête) évoluent dans des intérieurs minutieusement reconstitués d’un Téhéran de 1958 occidentalisé, l’arrière plan est souvent dessiné.

Cet entre-deux graphique déroute parfois, et freine le rythme du film plus qu’il ne le sert. Johan Sfar avait pris de grandes libertés avec le genre de la biographie en introduisant des doubles monstrueux dans Gainsbourg, vie héroïque et ça fonctionnait mieux. De même que l’histoire va du burlesque au mélodramatique, le film fait référence à l’expressionnisme, au fantastique, à la comédie, voire à la parodie de sitcom. Le mélange des genres n’est pas un problème en soi, mais il vient s’ajouter à des audaces de mise en scène qui ne s’imposent pas toujours.

Il faut donc attendre le dernier tiers du film, avec la très belle et très douloureuse histoire d’amour entre le violoniste Nasser Ali (Mathieu Amalric) et la sublime Irâne (Golshifteh Farahani) pour que toute la richesse narrative de Poulet aux prunes, récit construit en spirale, se déploie alors, éclairant d’un nouveau jour les toutes premières scènes du film.

Comme dans Persepolis, Marjane Satrapi joue admirablement des clairs-obscurs, des ombres qui découpent l’image, et animent cette fumée de cigarette omniprésente. Comme le dit le maître de musique qui initie Nasser Ali, « la vie est un souffle, la vie est un soupir dont tu dois t’emparer. » Une belle définition de l’inspiration...