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Robin des bois

Hormis un débarquement inversé sur les plages anglaises et un nuage de flèches accueillant les Français, que restera-t-il de la trentième adaptation cinéma de Robin des Bois ? Pas grand chose, tant le scénario foncièrement décousu et la priorité donnée aux scènes de baston torpillent l’actualité évidente de celui qui prend aux riches pour donner aux pauvres.

IL FAUT SAUVER LE SOLDAT ROBIN

Ridley Scott offre une reconstitution très soignée de ce Moyen-âge bien sombre où une Europe appauvrie par les guerres incessante et pillée par des seigneurs sans scrupules et des monarques incompétents. Même si les historiens trouveront étrange ce débarquement des troupes françaises sur les côtes anglaises, qui ne correspondent à aucune chronologie connue, il faut reconnaître que c’est sans doute l’un des meilleurs moments du film : la mise en scène rappelle furieusement le chaos maritime de l’ouverture d’Il faut sauver le soldat Ryan, avec ses GI’s fauchés par les balles allemandes dès l’ouverture des barges de débarquement, ou coulant à pic avec leurs armes et leur barda. Ici, ce sont les Français emmenés par Philippe Auguste qui tentent de prendre pied sur la côte sud de l’Angleterre, avec des barges à rames finalement assez proches de celles utilisées 750 ans plus tard.

Pas de bunker allemand, de mortier ou de nid de mitrailleuses pour les accueillir, mais une nuée de flèches tombées du ciel (les archers sont postés sur les falaises) qui clouent sur le sables nos malheureux compatriotes. La bataille qui s’ensuit, sur la plage rougie par le sang, démontre que Ridley Scott n’a rien perdu de son savoir-faire dans les scènes d’action où le chaos domine. La caméra plonge par instant sous l’eau, émerge, tourne et virevolte jusquà suivre en vision subjective la trajectoire d’une flèche vengeresse. Bref.

Curieusement, dans cette version conçue comme un prélude à la légende, de Robin des bois il n’est presque pas question. L’histoire démarre au pied d’un château limousin assiégé par les soldats du roi Richard et se termine par la mise hors-la-loi de Robin Longstride par le roi Jean. Autant dire que ce n’est que dans les cinq dernières minutes d’un film de deux heures trente que Robin devient le hors-la-loi décrit par les troubadours depuis la fin du Moyen-Age. Un dispositif qui pourrait annoncer une — ou plusieurs — suite(s)...

Une fois écarté un scénario plutôt maladroit et fort décousu, que reste-t-il du Robin des bois de Ridley Scott ? Peu d’allusions à ce qui a fait la légende du voleur qui prend aux riches pour redistribuer aux pauvres, un angle qui pourtant ne manquait pas d’actualité. Et beaucoup de scènes de combat menées un Russell Crowe désabusé, pas tout jeune (45 ans pendant le tournage), ce qui le rapproche du Sean Connery de La rose et la flèche (46 ans en 1976), contrairement à Errol Flyn (29 ans en 1938) ou Kevin Costner (36 ans en 1991). Et avec considérablement moins de charisme que ses prédécesseurs.

La version de Kevin Reynolds d’il y a vingt ans, sûrement moins ambitieuse, avait au moins le mérite de ne jamais se prendre au sérieux et nous offrait sur un plateau un casting royal avec Costner dans le rôle de Robin (un Costner en pleine gloire après Danse avec les loups et avant JFK et Un monde parfait), Alan Rickman en shérif de Nottingham et Morgan Freeman en compagnon de croisade. Voilà qui donne envie de le revoir...