Au milieu, il y a un ballon. Autour, vingt-deux joueurs se le disputent pour tenter de l’envoyer dans le but adverse. Autour, un terrain avec ses lignes blanches, lui même encadré par des panneaux publicitaires, des caméras de télévision électroniques (voire suspendues au-dessus du terrain), la foule des spectateurs, les centaines de millions d’euros de budget annuel, l’industrie du divertissement...
Depuis sa codification fin 1863 dans la Freemason’s Tavern de Londres, le football a beaucoup changé. Plus ou moins que le monde autour ? On serait tenté de répondre moins, puisqu’à quelques aménagements près, les règles du jeu sont les mêmes. Ce que montre l’historien Paul Dietschy [1] dans sa passionnante Histoire du football, ce sont les interactions permanentes entre le people’s game (ici, peole s’entend comme « peuple et non pas comme »personnalité publique") et la société autour, dont il est après tout un miroir ou un reflet.
De nombreuses histoires du football ont été écrites, mais celle-ci porte avant tout le regard de l’historien avant l’amateur de football, et c’est ce qui en fait l’intérêt. Paul Dietschy montre ainsi comment les classes populaires se sont approprié un sport parti des public schools anglaises, comment le professionnalisme a pris le pas sur l’amateurisme des débuts ou comment la question coloniale traverse l’intégration des premiers joueurs africains en Europe.
La mise en place des grandes compétitions (comme la FA Cup, la coupe d’Angleterre, puis la coupe du monde et enfin les coupes européennes) n’avait pas qu’un enjeu sportif. La politique n’était jamais loin, que ce soit les rivalités entre régimes fascistes et démocraties, puis guerre froide entre l’Est et l’Ouest ou encore place des nations décolonisées. A travers l’histoire du football, c’est donc l’histoire du vingtième siècle que l’on suit, du centenaire de l’Indépendance de l’Uruguay en 1930 à la coupe du monde sud-africaine de 2010 en passant par la montée en puissance de l’Europe de la prospérité de Milan à Rotterdam et l’invention de la nation brésilienne métissée.
La question économique est elle aussi centrale, qu’il s’agisse de la mise en place du professionnalisme dans les années trente, du rôle des médias dans la création des compétitions (L’Equipe et France-Football ont ainsi inventé les coupes d’Europe pour augmenter leurs ventes en semaine) ou de la place grandissante des sponsors et de la télévision, avec l’explosion des droits de diffusion qui ont fait la fortune de la FIFA depuis les années 80.
Tous ces domaines abordés permettent de tracer des perspectives en ce « troisième siècle du football » qui a commencé en 1995 avec l’arrêt Bosman supprimant tout lien entre les joueurs d’une équipe et le pays dans lequel elle se trouve.
Le football s’est alors imposé comme l’un des supports les plus remarquables de la dynamique contradictoire de la mondialisation. Agent de la standardisation culturelle, il porte tout autant la revendication identitaire. Ses stars et ses compétitions promeuvent une culture mondiale tout en valorisant l’existence de communautés imaginées et bricolées.
Les années à venir verront-elles l’avènement du football féminin ? Les Etats-Unis (dont l’équipe nationale est en progrès) deviendront-ils une puissance mondiale dans le people’s game ? Le continent asiatique sera-t-il tiré par la Chine dont on dit que l’organisation de la coupe du monde 2026 lui est promise ? L’Afrique, qui vient d’organiser sa première compétition mondiale, comptera-t-elle bientôt un champion du monde ? La suite de l’histoire du football reste à écrire.