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Le chasseur de lapins

Ça commence comme Dix petits nègres et ça finit comme Shining : au milieu, 570 pages d’une histoire machiavélique entre psychose antiterroriste et vengeance méticuleusement orchestrée par un tueur en série.

Après Playground, publié en France en 2017, le couple de romanciers suédois Alexander et Alexandra Ahndoril (réunis sous le pseudonyme de Lars Kepler) revient à sa série avec Joona Linna, policier finlandais qu’on avait quitté incarcéré à la fin de Désaxé. Mais les services secrets suédois, confronté à l’assassinat du ministère des affaires étrangères, vont avoir besoin de lui très vite...

Parce que si la piste terroriste est tout d’abord privilégiée, elle semble aboutir dans une impasse. Mais pour la Säpo (police de sécurité suédoise), l’antiterrorisme est avant tout une manne financière : les crédits sont quasi illimités, et pour les justifier il est conseillé de voir de la terreur partout, même là où il y en a pas. Et quitte à maquiller un crime en mort accidentelle ou à couvrir une énorme bavure...

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S’il n’a pas la dimension politique de la série Millénium (celle de Stieg Larsson, oubliez les deux derniers tomes signés David Lagerkrantz), ce Chasseur de lapins croise au sein d’une enquête policière sur un tueur en série les thèmes contemporains des réfugiés, de l’intervention occidentale en Syrie et du secret-défense qui ronge l’Etat de droit.

Surtout, il rend hommage à deux classiques du suspens et de l’horreur : Dix petits nègres d’Agatha Christie, et Shining de Stephen King. Du premier il reprend la comptine enfantine qui scande chacun des crimes, au second il emprunte la hache et l’hôtel déserté. On n’en dira pas plus, mais il y a pire comme références, et celles-là s’intègrent parfaitement à l’histoire.

Les auteurs sont aussi joueurs : ils s’amusent à semer des petits cailloux qui, à la relecture, vont sembler évidents, mais qui passent inaperçus la première fois tant l’intrigue est dense et ne laisse aucun répit. Sans compter les quelques fausses pistes qui font perdre un temps précieux à Joona Linna alors que le tueur se sert de ses premiers crimes pour attirer ses proies suivantes...

Et les lapins dans tout ça ? Eh bien, il faut lire pour savoir quel rôle ils jouent, au-delà de la comptine. D’une certaine manière, ils sont aussi bien symboles, victimes expiatoires, compte à rebours et masques. Tant que le chasseur ne commet pas d’erreur, ils n’ont aucune chance. mais personne n’est infaillible, n’est-ce pas ?