UNE FICTION À CONTRE-SENS
On imagine Nancy Huston, reconnue en France pour le très beau Cantique des plaines, se penchant sur cette histoire étrange et folle de Barbe et Barnabé, jumeaux dont la mère meurt en couches un jour de 1686, en Touraine. A partir de ce matériau brut, la Canadienne va ciseler son histoire. Mais le vrai personnage de fiction, c’est Nadia, la narratrice, dont le récit est enchâssé dans le premier. Et voilà comment Nancy Huston nous mène magnifiquement en bateau en faisant raconter une vraie histoire issue d’un passé lointain par un personnage imaginaire qui est notre contemporain et celui de l’auteur.
Au début d’Instrument des ténèbres, elle invente même une vertigineuse figure de style, le travelling littéraire. Ou comment prendre son lecteur par la main et lui faire traverser le miroir, en l’occurrence le temps et l’espace, rien que par la force de l’écrit. Une fois ce tour de force réalisé, l’auteur peut tout se permettre, on le suit inconditionnellement.
Instrument des ténèbres est donc, une fois de plus avec Nancy Huston, un livre sur la création. Création littéraire d’un côté, pro-création de l’autre, procédé déjà utilisé quelques années plus tôt sous forme d’essai dans le Journal de la création, où la Canadienne croise le récit de sa grossesse avec la présentation de couples littéaires.