Les Appalaches, dernier chaînon montagneux avant les grandes plaines du Middle West, sont le sujet principal du Monde à l’endroit, comme on pourrait dire que la Lousiane est le personnage central de l’œuvre de James Lee Burke. On pense d’ailleurs souvent à lui en lisant Ron Rash, dont seulement deux autres romans sont traduits en Français.
<media1624|embed|right|class=shadow>L’auteur excelle également dans la proximité avec ses personnages, que ce soit le jeune Travis Shelton, 17 ans, qui va apprendre dans sa chair ce qu’il en coûte à se faire une place dans le monde des adultes, du dealer Leonard Shuler, professeur aux ambitions brisées pour une broutille mais qui ne renonce pas, ou encore Carlton Toomey, une brute mal dégrossie semblant sortie tout droit de l’ouest sauvage.
Et comme dans la plupart des romans de Burke, le passé ressurgit comme s’il affleurait la surface du sol : la guerre de Sécession, traumatisme national américain, a fait rage dans ce coin de Caroline du Sud pendant quatre ans, retournant les terres, dévastant les fermes et massacrant les civils, comme à Shelton Laurel par exemple.
Ron Rash alterne ainsi son récit au présent par des extraits du journal d’un médecin de campagne des années 1860, qui consigne au jour le jour les soins qu’il apporte aux femmes enceintes, aux fermiers ou aux enfants. La rusticité de sa pharmacopée et la forme de ses honoraires sont touchants : teinture de valériane, héliotrope, solution d’iode, vapeur de tabac de lapin pour les soins, demi-sac de sel, quinze livres de tabac, cinq poules pondeuses pour les revenus.
Plus l’histoire avance, plus le journal devient laconique : les malades sont remplacés par des blessés par balles et les blessés par des mourants. Il n’y a plus grand chose à faire que de les accompagner dans leurs derniers instants, et les honoraires sont oubliés. La guerre est passée par là.