Depuis qu’on l’attendait, il a fini par arriver, ce deuxième album de Petra Magoni et Ferruccio Spinetti. Déjà, en décembre dernier au Cri du Port à Marseille, le duo italien nous avait donné un aperçu de ce qu’ils nous préparaient avec des reprises de Brel, de Nougaro, de Gainsbourg, des Beatles ou de Madonna. On avait hâte d’entendre la suite. Depuis le 3 avril, c’est chose faite [1].
Musica nuda 2, c’est tout d’abord un double album, mais aussi un album sous le signe du double. Deux interprètes, Petra à la voix et Ferruccio à la contrebasse, prêts à toutes les audaces, toutes les fantaisies dès lors qu’il s’agit de mettre en pièces un standard pop et de le reconstruire à leur manière, virtuose et ludique. Deux disques, le premier sur le principe de l’album initial, le second peuplé de musiciens invités (Nicola Stilo, Stefano Bollani, Fausto Mesolella, Nico Gori, Erik Truffaz, Mirko Guerrini et Monica Demuru). Et enfin des voix dédoublées, des échos, des réverbérations instrumentales qui donnent un relief inimitable.
D’entrée, le premier morceau place la barre très haut. Come together, titre phare de l’album Abbey Road sorti par les Beatles en 1970, est réinterprété de façon incandescente et psychédélique : bourré d’effets sonores, de cris, de souffle, de bruits fantômes, ses distorsions jettent un pont entre deux époques. Trente-six ans de musique effacées avec une élégance infinie et un culot phénoménal. Après un tel choc, on cherchera en vain quelque chose d’aussi grandiose dans le reste de l’album.
Côté reprises, Petra et Ferruccio offrent au public français une adaptation de Ne me quitte pas de Brel. Non andare via est à la fois familier dans l’intonation et radicalement différent dans le rythme. Petra descend dans un murmure, remonte dans des vocalises roucoulées. Autant dire qu’on n’a aucune envie de partir...
On est moins convaincu par le choix de Couleur café de Gainsbourg. Même si l’accent français de Petra est tout à fait charmant, sa voix ne bouge pas beaucoup et reste relativement proche de celle de son auteur. Ce peu de risques est en partie compensé par des bruits coquins (gémissements, halètements et bruits de bouche évocateurs).
Même remarque pour La vie en noir, de Nougaro. Dans une langue qu’elle ne maîtrise pas bien, Petra assure le minimum, pour un résultat assez peu convaincant, loin du septième ciel annoncé.
C’est beaucoup mieux, en revanche, pour Like a virgin de Madonna, où Petra fait étalage de tout son talent : voix ingénue aux accélérations fulgurantes, ponctuée de petits cris de jouvencelle. Elle fait à Madonna ce qu’elle avait fait à Gloria Gaynor (I will survive) : un lifting total et facétieux.
Et puis il y a les compositions originales du duo [2], la meilleure étant incontestablement le duo corde vocali, où l’on retrouve la complicité affichée sur scène. Un duo à trois, en fait, puisqu’outre Ferruccio (dont on entend la voix, pour une fois) et Petra, il y a bien sûr l’indispensable contrebasse.
L’album s’achève sur Over the rainbow. Logique : la voix de Petra n’est-elle pas un arc-en-ciel dans le paysage jazz ? Quelque chose de pur, d’éphémère et d’inoubliable, tendu d’un bout à l’autre de l’horizon.
Le deuxième disque est moins surprenant, et confirme que l’originalité de Musica nuda tient dans son dépouillement initial. L’intervention d’autres instruments (piano, trompette, flûte, saxo) donne un ensemble harmonieux mais n’apporte pas grand chose de plus. Malgré tout, on peut retenir un superbe Anima animale, tendre et velouté.