C’est l’un des petits bonheurs, et il n’y en a pas tant, qu’on peut s’offrir chaque matin ou presque sur la toile : pas le moral ? Stressé par une journée compliquée qui s’annonce ? Un petit coup d’actu en patates, et ça repart ! Hébergé depuis 2008 sur un blog du Monde.fr, Martin Vidberg, instituteur de son état et installé près de Besançon (on compatit), nous régale avec ses patates anonymes ou célèbres, mais toujours attendrissantes.
Car s’il dézingue à tour de bras les cibles faciles que sont Sarkozy, Fillon, DSK, Lagarde (qu’il rebaptise Cristetine), Laure Manaudou ou François Hollande, Vidberg excelle dans les portraits de gens ordinaires comme vous et moi (enfin, surtout vous). Les enseignants, les postiers, les ouvriers, les petits vieux, les couples, les geeks (dont on voit des exemplaires préhistoriques sculptant dans la pierre leur profil facebook), les enfants, autant d’anonymes qui ont toute leur place dans le monde des patates.
Martin n’a pas son pareil pour détourner un poème genre Maurice Carême (ceux qu’on apprend par cœur en CE2) dans une chute rageuse, ou semer en arrière plan de ses dessins des petits détails scabreux (un fouet et des menottes dans le bureau du FMI où s’installe Christine Lagarde, un robot qui demande « une petite turlute » dans la liste de ce que veulent les Français...).
Sa série sur la machine à gagner les élections, dont on peut parier qu’elle va bientôt reprendre, est absolument irrésistible : on y voit Sarkozy embaucher sur chaque nouvelle planche un savant fou chargé d’élaborer une machine miracle, mais évidemment ça ne marche jamais, et le savant est viré à la fin. Après Fukushima, Vidberg va inventer un savant fétiche appelé le professeur Patashima, chargé à l’occasion de présenter des jeux de plateau dont Vidberg est par ailleurs fan (il en a même créé un, baptisé Casse-toi pauv’con, qui lui a causé quelques soucis avec un maire UMP bas de plafond).
Pour revenir à Quinquennat nerveux (on ne peut évidemment s’empêcher d’entendre à chaque fois Caca nerveux), Vidberg a créé un fil conducteur pour relier les quelques 150 planches de l’album : il s’est imaginé lui-même en vieillard râleur, vers 2050, accueillant son fils, sa belle-fille et ses petits enfants dans sa maison bisontine. Sauf que la bicoque est désormais dans une bulle étanche protégée d’un environnement extérieur ravagé, et que ses petits-enfants empruntent une sorte de draisine à pédales pour venir le voir. Bref, tout va pour le mieux... Et le petit-fils de Sarkozy est au pouvoir ! Autant dire qu’à ce compte, on n’a pas fini d’en avoir d’autres, de quinquennats nerveux.