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Rendez-vous à Paris

UN TROISIÈME ACTE MANQUÉ

Après Le sommeil du monstre et 32 décembre, on pensait que Bilal allait clore son étrange trilogie par les retrouvailles des trois orphelins de Sarajevo, nés à quelques jours d’intervalle dans le chaos bosniaque de 1993. Eh bien non. La trilogie devient tétralogie, et ce Rendez-vous à Paris, dans lequel il ne se passe pas grand chose, sert à nous faire patienter encore un peu, et à arrondir les fins de mois des éditions Casterman (qui ont transféré Bilal , venu des Humanoïdes associés).

Certes, les planches sont toujours aussi remarquables, l’audace visuelle et la créativité éclaboussent chaque page, mais à quoi bon ? Maître de sa technique, Bilal largue l’intrigue en cours de route, et ses lecteurs avec. Ses récits sur trois niveaux (un pour chaque personnage) se croisent sans cesse, et le clonage de Nike achève de rendre l’histoire illisible. Alors, on admire, puis on referme l’album et on passe à autre chose. Par acquis de conscience, on le réouvre quelques jours plus tard, on essaie à nouveau, mais rien ne se passe. Ce Rendez-vous à Paris est un bel objet mort et froid, un exercice de style qui tourne à vide. Et qui donne bien des regrets, tant la trame narrative (l’éclatement de la Yougoslavie comme prélude à la déshumanisation du monde) était prometteuse. On retiendra quelques traits d’humour, notamment cette équipe de foot délocalisée sur un porte-avions, composée de joueurs et de joueuses de toutes les confessions religieuses, et baptisée la Multiconfessionnal Mixte Danube Ironfly FC. Une réminiscence qui renvoie au terrifiant Hors-Jeu coécrit avec Pierre Christin.