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Sous les vents de Neptune

EN PELLETANT LES NUAGES

Quand un souvenir d’enfance vous hante pendant plus de trente ans, quand un fantôme sème sur sa route des victimes perforées de trois trous parfaitement alignés, c’est que quelque chose ne tourne pas rond. Jean-Baptiste Adamsberg ne va donc pas bien, quand débute Sous les vents de Neptune. Il est victime de malaises récurents dont il aurait préféré ne pas trouver la cause. Son séjour au Québec avec sa brigade dans les locaux de la Banque nationale des données génétiques (cheveux, sperme, salive et autres joyeusetés) de la Gendarmerie royale du Canada devrait lui changer les idées et l’éloigner de ce juge Fulgence qui le hante.

Outre la rencontre d’écureuils de garde et des hommes du surintendant Aurèle Laliberté (qui affirme « ne pas avoir de porte de derrière »), Adamsberg va y croiser une étrange jeune femme assise sur un rocher au bord de la rivière Outaouais. Il va surtout être rattrapé par son histoire et ses cauchemars.

On imagine le plaisir, le goût du jeu et de la musique des mots que Fred Vargas a dû s’offrir en écrivant Sous les vents de Neptune. Outre les propos pleins de bon sens de la vieille Clémentine (« pour aimer, faut donner de soye, au lieu que pour courailler, y en a pas besoin »), on a droit à un véritable festival pendant le séjour des policiers au Québec. « Quand le boss se met en beau calvaire, il ferait trembler les arbres », « Ne fais pas rire les poissons », « tais ton bec et tente pas de leur faire accroire »... La romancière pousse ici dans ses derniers retranchements son habitude de caractériser chacun de ses personnages par des tics verbaux, et c’est un vrai régal. D’autant qu’en arrière plan, l’étrange et sinistre histoire du juge Fulgence tient particulièrement bien la route et promet de nombreux retournements de situation. Un grand cru.