Hommage à Jean Giraud

Blueberry est orphelin

, par Bruno

Ainsi donc Jean Giraud est mort à 73 ans. Qu’on l’appelle Moebius ou Gir, il restera pour moi avant tout l’un des pères (avec le scénariste Jean-Michel Charlier) de Blueberry, l’un des héros de papier de mon enfance.

Le premier tome des aventures de Blueberry, Fort Navajo, est paru en France en 1965, quelques mois avant ma naissance. C’est peu dire si les aventures de Mike Steve Donovan ont marqué mon enfance. C’est même l’un de mes deux héros de papier préférés, l’autre étant Rahan.

Ce n’est que vers dix ans que j’ai découvert le personnage de Charlier et de Giraud, juste après la sortie du meilleur des 28 albums de la série principale, la seule qui compte vraiment : Angel Face, brillante réinterprétation de l’assassinat de Kennedy, avec Blueberry dans le rôle de Lee Harvey Oswald.

L’apport de Giraud aux scénarios de Charlier est considérable. Dans les premiers albums, Blueberry est une sorte de clone de Tanguy et Laverdure ou de Buck Danny, sans épaisseur, sans finesse, support de clichés éculés sur le petit milieu militaire, viril et alcoolique. Puis, alors que la première série se met en place (Le cheval de fer), l’histoire se complexifie en même temps que les dessins : les paysages prennent de plus en plus d’ampleur, l’ouest sauvage et ses climats violents deviennent presque des personnages, tandis que Blueberry prend de l’épaisseur, de la texture, se complexifie. On y croise la route d’un des pires salauds de l’époque, le général Custer, sous les traits de McAllister.

En 1972, La Mine de l’Allemand perdu et le Spectre au balles d’or atteignent des sommets de virtuosité narrative et de beauté graphique. C’est alors que commence la série principale, qui compte dix albums, de Chihuahua Pearl (1973) à Au bout de la piste (1986), avec une longue interruption au milieu (cinq ans) après Angel Face.

Après un épilogue plutôt moyen (Arizona Love, 1990), Giraud, désormais privé de Charlier (mort en 1989) se lance dans un dernier cycle, dans lequel il démythifie complètement la figure héroïque de Blueberry. C’est la série Tombstone, qui va de Mister Blueberry (1995) à Dust (2005). Une série pendant laquelle Blueberry, vite cloué au lit après une partie de poker qui finit mal, ne fait quasiment rien, à part réécrire sa propre légende...