Quatre ? Enki Bilal - éditions Casterman

, par Bruno

Parti en 1998 pour être une trilogie, la nouvelle série d’Enki Bilal compte donc quatre volumes, le changement d’éditeur en cours de route (Humanoïdes associés puis Casterman) n’y étant probablement pas pour rien. S’il est moins confus que Rendez-vous à Paris, Quatre ? n’apporte pas grand chose à une Tétralogie du monstre qui n’aura pas tenu ses promesses.

UN DE TROP

L’idée de départ était pourtant séduisante. Soit trois personnages, Nike Hatzfeld, Amir Fazlagic et Leyla Mirkovic, vivant dans un futur à la fois proche (2026) et très perturbant (clonage humain banalisé, terrorisme international, hyperpollution...). Ces trois personnages qui ne se rencontrent pas mais qui se cherchent sont nés tous les trois à quelques jours d’intervalle, et se sont retrouvés dans l’hôpital de Sarajevo bombardé en août 1993, au début « d’un conflit qui a réveillé le monstre ». C’est cette quête que raconte la tétralogie dans un récit complexe à trois voix, de façon claire tout d’abord (dans Le sommeil du monstre et dans (32 décembre) puis de plus en plus confuse et désordonnée dans les deux derniers épisodes.

L’explication est peut-être à chercher dans le transfert de Bilal des Humanoïdes associés à Casterman après 32 décembre. La trilogie prévue au départ est alors rallongée, et le dernier volume se dédouble [1]. Le résultat est plutôt décevant. Si Rendez-vous à Paris tombait souvent dans le n’importe quoi au niveau du scénario, Quatre ? corrige un peu le tir, mais trop tard. Même en relisant la série dans la continuité, l’ensemble n’est pas homogène, avec un personnage (optus Warhole) qui part dans tous les sens et qui effectue un virage à 180° dans le dernier tome.

De même, l’idée de multiplier les clones (pour Nike, mais dès le départ c’est graphiquement parlant un clone de Amir tant la ressemblance est frappante) dessert le récit, puisque le lecteur est bien incapable de distinguer le faux du vrai. Ne parlons même pas de l’échappée martienne, dont on se demande ce qu’elle vient faire dans une histoire où il est question surtout de balkanisation du monde et de généralisation de la mafia.

La trilogie Nikopol, qui intégrait (avec beaucoup plus d’humour et de finesse) la mythologie égyptienne dans un futur trash allait sans doute moins loin dans les expérimentations graphiques de la Tétralogie du Monstre. Mais elle s’appuyait sur un scénario autrement plus solide, et des personnages beaucoup plus consistants. Qu’importe, du moment que le tiroir-caisse de Casterman fonctionne à temps plein...

Notes

[1ce qui explique l’intervalle très court entre Rendez-vous à Paris et Quatre ?, soit à peine un an, alors qu’il y avait six ans d’écart entre chaque tome de la trilogie Nikopol (1980-1986-1992), cinq ans entre Le sommeil du monstre et 32 décembre (1998-2003), trois ans entre 32 décembre et Rendez-vous à Paris (2003-2006).