Un monde parfait de Clint Eastwood avec Kevin Costner, Clint Eastwood, Laura Dern et T.J. Lowther (Etats-Unis, 1993)

, par Bruno

L’adieu à l’enfance

Comment mettre dans une même histoire des références au dormeur du val d’Arthur Rimbaud, du mythe de Jonas et la baleine et de l’assassinat de Kennedy à Dallas ? Il suffit de confronter deux mythes du cinéma populaire américain, Clint Eastwood et Kevin Costner [1]. Il suffit d’en faire une sorte de road-movie contemplatif où un évadé n’est pas pressé de s’enfuir, où un policier ne tient pas plus que ça à retrouver le fugitif et où un petit garçon en manque de père et de repère découvre la vie dans une embardée initiatique et brutale.

Etrange fugitif que ce Kevin Costner qui cherche, dit-il, à rejoindre son père en Alaska [2] et qui emmène avec lui cet enfant sans nom (Buzz le fantôme) dans un Texas en plein été indien d’après Halloween. Cet homme, encore largement enfant lui-même malgré une violence latente qui jaillit parfois, a des gestes de frère aîné plus de que de père auprès de Buzz. Mais quand il voit le vieil ouvrier agricole frapper son petit fils, il dérape et provoque des catastrophes en série dont il sera lui-même la victime. Jouer avec le feu, dans ce film, c’est littéralement jouer avec le revolver, parfois vide, parfois armé, et les conséquences sont toujours tragiques.

L’histoire, nous dit-on en ouverture, se passe au Texas, quelques jours avant la visite du président Kennedy. Dès lors, c’est bien d’une chasse à l’homme qu’il s’agit, bien qu’on ne sache pas vraiment qui est l’homme : le taulard en fuite qui ne fuit pas vraiment, l’enfant qui découvre la vie, sa beauté et sa violence, ou le flic qui ne semble pas pressé de rattraper l’évadé ? Comme à Dallas, le 22 novembre 1963, tout va finir avec un fusil à lunettes, dans le sang et les larmes. Mais entre temps, le film s’offre quelques embardées poétiques et symboliques extraordinaires de finesse et de maîtrise, que ne cache pas un humour désespéré.

Notes

[1lequel n’a jamais retrouvé depuis le niveau de ses films du tournant des années 90

[2nouvel eldorado pour les Américains des années 50-60, qui revient notamment dans Lolita de Stanley Kubrick.