L’amusant, avec les romans policiers suédois, c’est qu’il y a toujours quelque chose à raconter sur l’auteur. Celui de Millenium, Stieg Larsson, est mort juste après avoir remis à son éditeur les manuscrits de sa trilogie qui allait connaître un succès mondial [1]. Ceux du Marchand de sable s’appellent Lars Kepler. S’appellent au pluriel, parce qu’ils sont deux, mari et femme, et qu’ils poussent le mimétisme jusqu’à s’appeler Alexander et Alexandra Ahndoril. C’est sûr que Lars Kepler, ça claque mieux, et ça fait moins neuroleptique.
<media1690|insert|right|class=shadow>Ceci étant posé, revenons à la série policière éditée en France par Actes Sud dans sa collection Actes Noirs inaugurée avec Millenium donc, il y a un peu moins de dix ans. Après trois titres inégaux et prometteurs (L’Hypnotiseur, Le Pacte, Incurables), le couple Lars Kepler retrouve son inspecteur préféré, le finnois Joona Linna, confronté cette fois à un tueur en série d’autant plus dangereux qu’il est enfermé depuis treize ans dans une unité psychiatrique hautement sécurisée. Jurek Walter est une sorte d’incarnation du mal, capable de pousser au suicide ses gardiens rien qu’en leur parlant. Le genre de type qui vous annonce d’un ton aimable qu’il va vous décapiter, comme un dentiste vous dirait qu’il va vous soigner une carie.
Quand un jeune homme est retrouvé errant sur une voie ferrée alors qu’on le croyait mort depuis treize ans, une course contre la montre est engagée pour retrouver sa sœur, enlevée en même temps que lui et en danger de mort. Jurek Walter est le seul à connaître la vérité, mais comment la lui faire dire ?
Aux côtés de Joona Linna, le personnage féminin de l’inspectrice Saga Bauer — au physique d’elfe et à l’entraînement de commando — prend de plus en plus de place. Evidemment, on ne peut s’empêcher de la comparer à Lisbeth Salander, l’héroïne de Millenium qui ne paie pas de mine mais qu’il est très dangereux de sous-estimer. Le face-à-face entre Saga Bauer et Jurek Walter dans les sous-sols de l’unité psychiatrique est le cœur du roman. Là-bas, tout peut arriver, et le danger vient autant des patients que du personnel qui se sent autorisé à toutes les manipulations...
L’intrigue est riche, pleine de rebondissements et les auteurs lorgnent ouvertement sur Stephen King quand ils font de Jurek Walter un personnage insaisissable au sens premier du terme. Un personnage qui terrifie le lecteur même quand il est cloîtré et gavé de calmants, alors imaginez un peu ce qui peut arriver s’il vient à s’échapper...
Pour accélérer le rythme de leur récit, les auteurs ont recours à une technique simple mais efficace : des chapitres découpés comme des plans de cinéma, à raison de trois pages chacun en moyenne (il y en a 183 pour 506 pages). Le procédé pourrait agacer (une seule scène peut s’étaler sur trois ou quatre chapitres) mais il fonctionne plutôt bien. Le prochain volume de la série, publié l’an dernier en Suède, s’intitule Stalker (rôdeur, traqueur, harceleur en français).